Folle tarentelle (haïku)

Folle tarentelle
La valse de nos regards
Lèvres en goguette

Suture

Perles de rubis sur peau d’ivoire
Surgissent dans les barbelés noirs.

Signature fourbe et laborieuse
Sur une barbarie caverneuse

Fichée là en une vile boudine,
Échelle en lacets de bottine

Qui mangent la chair et l’abrutissent
Au pied de ces deux lèvres lisses,

Berges épousées sur la colline
Sournoise, aux reflets de ravine.

Quel bazar sous-jacent se cache,
Que m’a-t-on fait sous cette attache ?

Je suis intoxiquée de voir
La vérité de mes manoirs

Compliqués de leurs antichambres
Que leur réveil lentement cambre.

Ce chemin grossier en surface
Barré de ses rameaux rapaces

Est la bouche muette où travaille
Un secret pour faire d’une entaille

Bientôt plus qu’un liseré nacré
Un fil de soie, pâle et léger

Sur un monde retrouvant sa forme
Après les douleurs qui s’endorment.

Magie sublime de la nature
Dévouée au plus fines déchirures

Et fiable jusqu’au plus friable,
De ta gloire je suis incapable !

In memoriam André Martin

In memoriam André Martin dans * MARTIN André martin-andre Notre ami André MARTIN, de Villers-les-Nancy, nous a quittés brutalement le 7 septembre dernier, après une
courte hospitalisation.

André avait obtenu le Grand Prix des Poètes Lorrains en 2010 et nous avions pu goûter sa poésie à travers ses textes consacrés à sa chère Lorraine et à ses « Symboles Vivants » : son histoire, ses valeurs, sa terre, son terroir, ses hommes et ses femmes, ses mirabelliers et son fruit d’or.

 « Les nuits de mai, la voie lactée goutte du ciel / Dans les coupes des fleurs, en poussière de miel / Les racines qui fouillent leurs entrailles charnelles / Vont transmettre la vie en féconde litière / Vie d’un témoin fidèle, en glèbe
maternelle / D’un vieil arbre aux fruits d’or, orfèvre en la matière. »

Une pensée pour André, en le remerciant pour les beaux textes qu’il nous laisse et pour son doux sourire. Toutes nos condoléances à son épouse Suzanne et à sa famille.

Armand BEMER,
délégué régional de Lorraine.

Mauve inflorescence (haïku)

Mauve inflorescence
Un souffle chaud caressant
Nos languides corps

Article paru dans le Républicain Lorrain

 

vendredi 6 septembre 2013 17:57:02

Publiée le 05/09/2013

culture prix des poètes lorrains 2013 Des souvenirs éblouis aux Industrieuses amours

De son second ouvrage, Jacques Muller, Grand Prix des poètes lorrains2013, avoulu faire un instrument de partage d’impressions et d’émotions.Notez cet article :

 Article paru dans le Républicain Lorrain dans * MULLER Jacques muller-jacques-100x150

Jacques Muller, Grand Prix des poètes lorrains 2013. Photo DR

Le Grand Prix attribué à Industrieuses amours ( Éditions Baudelaire ) est « très satisfaisant », de l’aveu de l’auteur. Mais il ne fait que rendre plus belle l’expérience d’écriture à laquelle il s’est livré. Un élégant accessoire en somme, désormais associé à une œuvre que Jacques Muller porte depuis 40 ans.

Fils de sidérurgiste, né face aux hauts fourneaux d’Hagondange, il évoque dans ce livre les « souvenirs éblouissants » d’une jeunesse traversant les Trente glorieuses et dorée à la chaleur du métal incandescent.

« Très jeune, j’ai vu ces hommes, fiers de leur métier. Puis j’ai été au contact… », explique-t-il. En effet, étudiant en lettres classiques, le jeune homme se mêlera cinq années de suite, chaque été, aux autres postés, comme pontonnier : « L’automatisation était déjà en route ; l’expérience a néanmoins été très forte. Ce n’est rien de le dire. Un choc, pour moi qui étais pétri de culture classique. Un choc humain et esthétique. Il y avait quelque chose d’épique dans tout cela ! » Presque immédiatement, il forme le projet de « parler de cela un jour ».

Quatre décennies durant, cette ambition maturera. Le temps d’une carrière, au sein de différentes rédactions du Républicain Lorrain , qui, curieusement, lui permettra de vivre par procuration l’épilogue de la geste sidérurgique : « J’ai commencé en 1975, à Esch-sur-Alzette. Là même où les difficultés commençaient avec la fermeture de l’usine de Rodange et ses 1 800 suppressions d’emplois ! » Après Esch, le reporter rejoint Longwy dans les années 80 puis Thionville, au moment où ferment les hauts fourneaux d’Uckange. Durant toute cette période, il témoigne de la lente déliquescence du « peuple du fer » en professionnel de l’information. C’est-à-dire en pesant au trébuchet la part d’analyse économique, sociale et la dimension humaine qui mèneront au ton juste pour dire dans les colonnes d’un quotidien ce drame aux dimensions héroïques.

Lyrisme

Rangé des claviers en 2008, Jacques Muller a tôt fait de renouer avec la plume. Mais se jugeant incapable de commettre le roman, il opte pour la poésie.

Après un premier recueil salué pour sa force et son exigence en 2012, il s’est tout entier abandonné aux influences de ses « maîtres » – Saint-John Perse, Valéry, Apollinaire – pour restituer au fil des pages d’ Industrieuses amours le souffle de l’épopée. Celle qui hante sa mémoire depuis toujours. La matière, le travail, la cité, les maîtres de forge, le démantèlement : quatre chants et un épilogue pour narrer une de ces histoires d’amour dont on sait malheureusement trop bien comment elles finissent.

H. B.

Amours

La douce nuit s’anime en cette mi-novembre.
La lune languissante explore le jardin.
Au bouleau dégarni, d’ultimes feuilles d’ambre
Aimeraient conjurer leur funeste destin.

Des chats, tenant salon comme dans une chambre,
Miaulent, pleins d’ardeur, pour forcer le dédain
D’une belle perverse : un corps lascif se cambre,
Se tord, s’étire, griffe, esquive ou mord soudain.

Déjà l’élu s’avance et goûte sa fortune ;
La chatte lui décoche une tape opportune,
Feule, crache puis cède au plaisir attendu.

Tout près d’un lampadaire une dame vénale
Propose, verbe haut, sa triste bacchanale
A l’homme qui, narquois, risque un sous-entendu.

Frise harmonieuse

Frise harmonieuse
Tendre écrin pour mes baisers
Labiale emprise

Le mort

Contre la cire lamentée
Sont là, mille froufrous dorés
Qu’on a tendus dans les coins
En triste château de soin,

Farandoles contre le froid
Du jaune terne urique des doigts
Ligaturés des perles noires
En un raide collier du soir.

Il vit le lit à jabots,
Aboyant au petit trot
Pour faire gonfler l’occupant
Qui aspire tout ce brillant,

Rigide et mat : une grume
Serrée dans son long costume.
Une impeccable poupée
Dans les coulisses, apprêtée.

Dans la pénombre de cette chambre
Entre les deux cierges d’ambre,
Mon regard est aimanté
Par ces deux paupières soudées.

Seul indice d’une ancienne vie,
Cette fermeture où l’on prie
Car les autres pièces du corps
Ne sont plus rien que des bords.
On ne sent rien au-delà
De cette barrière des deux bras
Qui repousse l’œil intrusif
Contre les soyeux récifs.

Là-dessus la pensée sage
Glisse et tombe sur le carrelage
Pour s’y fondre et s’écraser
Et ce mirage, y noyer.

Mais le chemin sans arrêt
À cet étage est refait.
De cette étagère de soie
À cette mine de gravats,

À ces bras bien en équerre
Pour asseoir l’heure dernière,
Dans les lignes de ce chapelet,
Perles de myrtille dans du lait.

Dans mon âme elles font des trous
Par leur lustre d’acajou,
Derniers scintillements mouillés,
Un silence en pointillés.

Et coule de là dans l’esprit
La paix de tous les partis
Comme le rappel obséquieux
De ce départ contagieux

Calme frondaison (haïku)

Calme frondaison
Matinale crinoline
Germe d’une aubade

Princesse océan

Quand l’horizon s’effile au ras de l’eau,
Que le soleil s’endort au bout du firmament,
La fille des flots, corps rêve sur son îlot
Souffle dans les grands voiles des galions.

Elle naquit un jour dans l’abysse d’un océan,
Fille du Dieu Neptune et d’une Déesse reine,
Sur une algue cristal dans les grands fonds,
Elle ouvrit les yeux et fut couronnée sirène.

Cheveux d’écume scintillants de lumière,
Beauté des eaux au regard bleu des lagons,
Gracieuse elle plonge silhouette si légère,
Et disparaît dans les loin abîmes sans fond.

Entre vagues et ciel elle nage sans rivage,
Princesse océan fille aux écailles poisson.
Quand l’astre blanc surgit dans la nuit sage,
Sur son îlot elle se pose et envoute les galions.

Un chant sublime piège les grands vaisseaux,
Dans les ténèbres voiles gonflées ils naviguent.
Ouragan de tonnerre dans le sillage des bateaux,
Sur les rochers noirs ils se brisent et sombrent.

Marin au gré des océans prends garde au refrain,
Éloigne-toi du grand large et retourne vers la terre.
Car la sirène sur son ilot à l’écume des embruns,
Pourrait souffler des vents cyclones mortifères.

Elle naquit dans les profondeurs d’un océan,
Sur une algue cristal étincelante dans les fonds.
Fille du Dieu Neptune et d’une déesse reine,
Elle ouvrit les yeux et fut proclamée sirène.

Liseuse et regardeur

Elle lit
tout amour et sans rien maudire.
Elle pose sa voix sur l’oiseau lire,
il vole à mes oreilles,
il porte sur lui une femme
qui chérit nonpareil
l’exercice qui déclame.
Elle lit
et d’un présent des mots rien n’est instant,
tourne les pages
au rythme de la lecture d’un voyage.
Elle lit,
les mots s’écrivent
et de proche en proche, accentuée :
l’histoire déroulée, à ma rive,
rend tout ouï et captivé.
Elle lit…
et les yeux écoutent…

Le rendez-vous de Samarcande*

Savants qui proposez votre riche arsenal
Pour offrir, comme à Faust, l’inusable jeunesse,
Le plus bel âge d’or que jamais on connaisse,
La mort se rit de vous, elle a le mot final.

De l’enfant qui bondit, tel un fol animal,
Jusqu’au vieillard perclus qu’un véhicule agresse,
La route nous détruit, c’est la moderne ogresse
Dont chacun peut nourrir l’appétit infernal.

La guerre, autre faucheuse, a calmé ses ravages.
Mais nous payons toujours le même impôt du sang
Sur les anciens chemins des batailles sauvages.

Allègre conducteur, tu te crois tout puissant ;
Ecoute donc la voix lancinante qui scande :
« Moins vite, malheureux, tu cours vers Samarcande ! »

* conte oriental : Un matin, lors d’une promenade, un prince rencontra la Mort. « J’ai rendez-vous ce soir avec toi. », lui dit-elle. Epouvanté, le prince éperonna son cheval et s’enfuit. Il galopa toute la journée et le soir, il arriva aux portes de Samarcande. La Mort était là, qui l’attendait. « Tu es parti si vite ce matin, lui dit-elle, que je n’ai pas eu le temps de t’expliquer : j’avais rendez-vous avec toi ce soir, à Samarcande ! »

Nous avons tous

Nous avons tous
Comme rubis
Graines d’amour
Perlées de pluie
Cachées dedans
Dedans son nid
Mille diamants
Pour elle ou lui

Nous avons tous
Poches de billes
Graines d’enfant
Grain de folie
Caché deux dents
Au fond du lit
Ces quelques francs
Et puis souris

Nous avons tous
L’œil appétit
Graines d’amour
Plaisant abri
Caché dedans
L’antre endormi
Graines d’enfant
Filon de vie

Flocon d’aile blanche (haïku)

Flocon d’aile blanche
Un avant-goût de l’hiver
Le gel des amours

La dernière nuit du vagabond

Comme l’ombre s’accorde aux pentes enneigées !
Je ne veux plus savoir si le froid m’est cruel.
Les étoiles dont l’or éclabousse le ciel
Par leur tendre lueur réchauffent mes pensées.

Je suis un vagabond, j’erre le plus souvent
Loin des humains pervers, sans logis, sans adresse.
J’emporte dans la mort un cœur plein d’allégresse :
Je suis toujours resté libre comme le vent.

Neige si dure aux malheureux, neige si pure—
Myriades de cristaux qui sublimez la nuit—
Tu couvres la montagne où s’étouffe le bruit
D’un tapis merveilleux à la fine texture.

Le manteau blanc me donne un masque violet.
La bise fait grincer la porte d’une grange,
Frissonner des rameaux dans le silence étrange
Et sous mon pantalon me gifle le mollet.

Lorsque bientôt l’aurore effrangera de rose
La guipure brillante aux aiguilles des pins,
Rassurés les chevreuils autant que les lapins
Salueront le jour émouvant, grandiose.

Aucun trille d’oiseau pour bénir le soleil.
Aucun ru pour chanter sa fraîche mélodie.
Mais moi, le vagabond, près de l’onde engourdie,
Je boirai ce spectacle à nul autre pareil.

Alors je m’étendrai sur la neige glacée.
Je m’en irai joyeux vers le suprême instant.
Si j’inspire pitié, je réclame pourtant
Qu’on brode sur ma vie une belle odyssée.

Riant juillet

Le ciel est d’un bleu limpide
L’herbe craque sous les pieds
L’horizon se profile, splendide
C’est une chaude journée de’été

Midi impose sa torpeur
Le chat s’endort sous l’ombrage
Tout l’été danse au fond des coeurs
Et juillet lui rend hommage

Le ciel peut chanter tout bas
Tandis que les oiseaux se taisent
Si des ailes prolongeaient mes bras
Je m’envolerai de la falaise

L’ esprit habite une source
Où se prélasse la fraîcheur
Chaque jour, il trace sa course
Qu’il fait bon écouter le coeur

Juillet pèse de tout son poids
Et le soleil traverse le son
Un jour où l’autre, nous aurons froid
Aimons la brûlante saison.

Un frisson d’automne (haïku)

Un frisson d’automne
Les feuilles couvrent le sol
L’or rejoint la terre

Conte-moi la vie

Conte-moi la vie dans * METIVIER Nicole metivier-1ere-couverture

metivier-4eme-couverture dans Publications

Précy jardin

Je vois ce jardin de Précy,
Précis, aux fines fleurs de ma peine
Où je m’avance triste et sereine,
Où je tombe comme au fonds d’un puits.

Mais c’est sur la pointe de l’esprit
Le cœur à l’envers, déchiré
Sur un coin de pierre du passé
Où l’oiseau de l’enfance s’est pris.

Et je retrouve au creux du nid
Entre les roses d’un voyage blond
Des restes de rêves à mon front
Derrière un voile tremblant de nuit.

Me pousse un arbre dans la tête.
L’arbre des souvenirs, infini,
Dont je vois les rameaux flétris
Au bout d’un éclat qui s’entête.

Mais ma voix reste prisonnière
Et je ne reviens de ces plis
Des chaleurs de tant d’étés fuis
Qui me couchent dans un lit amer.

Flottent les chuchotements volatiles
Me portant plus frêle qu’une fourmi
Pour me ramener jusqu’ici
Sur les rails d’un réel futile.

Mille petits trous (haïku)

Mille petits trous
Dans le goudron du trottoir
Les talons aiguilles

Des voix dans l’esprit

Sa vie fut changée en jours et nuits des ombres
Il perdit son image son âme et tout son être s’écroula.
Dans une étrange demeure, la réalité vint à se rompre
Prisonnier emporté dans le délire, il s’y abandonna.

Qui suis-je se disait-il, en fixant cet autre visage,
Il se découvrait ouvrant et fermant ce nouveau regard.
Dans son esprit s’élaborai,t un indéchiffrable langage
Il écoutait prostré ces voix étranges fallait-il les croire.

Il était enfoui, enlacé, incarcéré dans son délire
Il dessinait des portails, des murailles autour de lui.
Et s’y réfugiait, sans chercher jamais à les détruire
Solitaire sans être seul, dans ce qui n’était plus sa vie.

Il parlait peu, n’écoutant que l’écho de sa pensée
Enfermé dans ce monde irréel, sans aucune relâche.
Abandonné, par sa conscience à une réalité défigurée
Il vivait et allait ainsi, sans que personne ne l’y arrache.

Sa silhouette passait et pressait le pas devant les hommes
Il fuyait ceux qu’ils croisaient, sans pouvoir les regarder.
Ces gens qui comme lui, allaient et venaient sans forme
Derrière des fenêtres et des portes fermées par sécurité.

Qui suis-je, se disait-il en écoutant cet autre qui l’habitait
Il se touchait inlassablement, était-ce lui ou ce quelqu’un.
Dans sa conscience un homme, une femme lui murmurait
Des mots déchiquetés éparpillés, qui n’étaient plus les siens.

Dans une étrange demeure, la réalité perdit la raison
Emporté dans le délire, tout son être s’y engouffra.

(En rapport avec ma profession, infirmière en secteur psychiatrique.
Une approche de la maladie mentale profonde.)

T’écrire (haïku)

T’écrire une lettre
La plume Sergent-Major
Et l’encre violette

L’Aube

Le violon grinçant du vent aigre s’est tu.
Si l’angoisse nocturne étouffait l’espérance,
Le malade qui geint sur un lit de souffrance
Retrouve enfin du cœur dans ce temps suspendu.

Chantecler s’égosille, à son rôle assidu.
Rien ne bouge alentour, sa rituelle transe
N’éveille aucun écho ; seul règne un calme intense,
Comme pour y blottir un bonheur impromptu.

Le cristal émietté du givre à la fenêtre
Tamise la lumière, et le jour qui pénètre
S’habille d’allégresse autant que de frisson.

La cendre chaude encore abrite au fond de l’âtre
Des charbons assoupis, qu’un brin d’air polisson
Fait rougeoyer parfois sous leur gangue blanchâtre.

* Le poème est en réalité intitulé « Aube », mais le blog impose un titre à 5 caractères minimum, d’où mon ajout du l’ que Denise me pardonnera sans doute.

Puissance des flots (haïku)

Puissance des flots
Complicité des brisants
Le chant des embruns

Un amuseur public

Sur les points il pose les i
et l’ordre des choses et renversé,
sa façon d’être à la malice de l’enfance
en reviviscence à chaque instant qui sert son insolence d’adulte.
Histrion, il marche sur les mains pour montrer sa liberté
et retombe sur ses pieds
pour regardeur de ses contemporains faire tomber les masques,
dresser les portraits parfois au vitriol, singer.
Il se rit des esprits engoncés prisonniers de leur éducation,
de leur morale et avec impertinence déjoue la réflexion tirée
à quatre épingles en jonglant avec les mots.
Il compare l’importance à l’immensément rien et trouve
l’essentiel en la face cachée,
il peut user de sarcasmes
pour laisser à la saveur piquante de la moquerie,
sa règle démesure, grossit le trait
tandis qu’il a un principe : mieux vaut en rire.
Il a la générosité qui n’égratigne qu’un seul
pour rassasier tous les autres
mis en œuvre dans la fonctionnalité de leurs zygomatiques,
la pirouette est son issue pour ne jamais disparaître,
le pied-de-nez son arme pour désarmer,
il n’est pas au cirque et le fait…
Applaudissements …

Après la guerre

Seules des huttes éventrées
Et des carcasses de zébus,
Au sol des empreintes cendrées,
Le village n’est que rebuts.

Ici des troupes sont entrées—
Fanatiques d’autres tribus ;
Les vieilles haines engendrées
Amènent d’ignobles abus.

Ni mouvement, ni pestilence.
La mort habille le silence,
Lourd comme l’âme d’un faquin.

Cependant qu’à l’horizon vibre
Un mirage de cité libre,
Sous le brûlant ciel africain.

Le rêve du vieil immeuble

Il me vient souvent, à l’idée
Que j’aurais pu être un pavillon
Moi, le vieil immeuble de la cité
J’aurais pu être, une jolie maison.

Et je suis là, sous ce ciel pollué
Coincé entre ces façades froides
Devant, s’étale des usines enfumées
Derrière, une ville sans regard.

Je grouille de bruits et de soucis
Et mes étages, sont fatigués
L’été j’aère, ça les ennuie
L’hiver je chauffe, il faut payer.

Tout autour de moi, c’est le vide
Je ne respire, que la fumée
Ca me fait tousser, et ça me ride
Je n’en peux plus de ce quartier.

Souvent, je parle à mes amis
Que j’aurais pu être un beau pavillon
Ils me répondent, c’est notre vie
On y peut rien, ce sont les gens.

Il me vient, souvent à l’idée
Que j’aurais pu être, un beau chalet
Moi l’immeuble, de la cité
J’aurais voulu vivre, dans la forêt.

Mais ma destinée, n’est pas ailleurs
Que, dans ce quartier pollué
Et j’attends le jour et l’heure
De mourir, pour d’autres cités.

L’origine du monde

De tout prés, il veut voir.
L’homme ne voit que de prés.
S’il est myope, est-il prêt
À ouvrir le tiroir ?

Ce qu’une femme dit trop tard
Ou sans jamais dire vrai,
La science le parfait,
Sans pincette et sans phare.

Et l’homme, lui, qui veut croire,
Comprendre comment c’est fait,
Ne voit qu’une ligne, un trait,
Résumé dérisoire,

Ridicule promontoire
D’un bâtiment secret,
Aux chemins en retrait
Dans les règles de l’art.

La femme garde son savoir,
Couvre l’œuvre et se tait
Contre le cri de Courbet
Sur l’insistant miroir.

Un verrou au couloir
Et des siècles de méfait
Pour découvrir l’étai
Qu’on croyait canular.

On le chargeait d’un noir
Plus grand que d’un palais.
Et la femme le relaie
En ruminant sa part,

Coince l’homme à son départ
Resserré sur les faits,
Ne peut briser le rai
Fondé par sa mémoire.

Elle est -dans ses placards-
Muette sur son objet
Comme si elle en était
L’observatrice ignare.

Et l’homme fixé au bord
Ne discerne pas l’aveu
Pour braver cet essieu
Surgi du nombre d’or.

Il mâchonne d’anciens mors
D’une censure qui s’émeut
Pour découvrir un peu
Par où ancrer l’abord.

Il ne sait rien encore
Des lignes, des masses, des creux,
Du parcours mystérieux,
Ni des angles retors,

Rien de l’interne décor,
Détours anfractueux
Pour le schéma heureux
Adapté au raccord.

Et lui qui fait son sport
Tout en fermant les yeux
Il apprécierait mieux
Avec les yeux d’Ensor.

À connaître le corps
Trop caché, mystérieux,
Il serait moins peureux,
Le lien serait plus fort.

Des livres il n’y a pléthore
Pour parler de ce creux
Sauf les blasons hideux
Pour en faire un rapport.

Il faut croire que le sort
Fit du sujet scabreux,
Peu de cas. Et le feu
Mettait fin à ses torts.

Elevé en trésor
Ou proscrit… L’entre deux
Terminera le jeu
De reculer l’accord.

De t’aimer je n’ai plus le coeur

De t’aimer, je n’ai plus le cœur
cité de ma jeunesse grise ;
de mille oiseaux chanteurs éprise
au soleil fondant des fondeurs

Le temps gorgé du sang des heures heureuses poursuit son blanc chemin anesthésique.
Les chatons pendouillent comme les regrets qui jamais n’ont enfanté la résurrection de l’humble gaité d’hier. Est-ce trop demander que de ne plus entendre, sur le clavier muet des absences, la voix graveleuse et cruelle du souvenir qui submerge la grève des vaines attentes ?

Visages aimés, visages de toujours, au front de la paroi rocheuse où vient mourir la déferlante des jours, enfants de la curie des innommables qui ont fui les éclats du bonheur ;
visages du don de soi baignés par le travail d’une mer de métal, d’une mer nourricière à ses marées de hautes et basses règles, et tout à la grammaire du faire dans le communautaire de l’esprit,
je vous invoque de toute puissance des émois !

Mais ce regard aimant n’est amarré qu’aux rives blanches et glacées des justes quartiers de l’heure nouvelle née, et déjà tombée dans la suite amnésique des nombres ;
regard mouillé de toutes les pluies versées les nuits d’orage quand les peines font craquer le ciel à l’horizon d’un courage anémié…
Dans cet outre monde, dans ce monde de jadis, les êtres avaient une face familière ; les choses également. Même le temps fané était doux dans son amas de feuilles mortes…

De t’aimer, je n’ai plus le cœur
cité de ma jeunesse grise ;
de mille oiseaux chanteurs éprise
au soleil fondant des fondeurs

Ma paume (haïku)

Ma paume creusée
L’eau fraîche de la fontaine
À ma bouche sèche

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