Il y a le fracas de la mer, aussi le fracas de la guerre Il y a les jours sans pluie, les jours d’avec le déluge... Il y a le vent et la semence, qu’il porte et qu’il emporte Il y a des printemps stériles et des étés si tristes Qu’on voudrait les pendre... Il y a les enfants qui ont faim. Ceux là ne sourient pas. Et les enfants heureux qui racontent leurs jeux. Il y a le mois d’avril et le mois de novembre Quand le ciel est tout bleu. Quand le ciel est de cendres. Il y a de grands océans et des mers d’étoiles. Il y a aussi des mers mortes qui brûlent les pieds Il y a les larmes du rire et du chagrin Qui lavent les yeux C’est un tout. Ainsi va le monde Et le savoir peut rendre malheureux.
Ce garçon de douze ans, sur un lit d’hôpital,
N’exprime ni dégoût, ni haine ni colère.
Parmi d’autres blessés dans la même galère,
Seul le retient encore un frêle instinct vital.
Une étrangère approche et sa voix de cristal
Le caresse bientôt comme un baiser solaire.
Alors il parle enfin, mais son coeur s’accélère,
A peine évoque-t-il l’après-midi fatal.
Un éclair, un bruit sec au milieu du village…
Des enfants près de lui n’avaient plus de visage;
Aussitôt l’emportait un soldat valeureux.
Il regarde blêmir les reporters ingambes.
Jamais il ne fera leur métier dangereux :
Un homme en blanc n’a pu que lui couper les jambes.
Prix Voltaire au concours du Cercle Littéraire de Graffigny de Lunéville, en 2000.
Pendant du blond aux yeux de glace,
Te voici mon nouveau canon,
Prince ou barbare aux yeux charbon,
Aux cheveux du noir de l’espace.
Viens étendre ton corps de rapace
Sur la berge fraîche d’un étang,
Ta tignasse aux reflets d’argent
Emmêlée de fleurs et de crasse.
J’ouvrirai le voile de ton torse
Sous ta gorge nerveuse que je mords,
Pour caresser tes muscles d’or,
Tes beaux muscles aux fibres retorses.
Dans ton regard froissé de fièvre,
Luira un ruisseau de promesses.
En frôlant celui de tes tresses,
Je boirai celui de tes lèvres.
J’aspirerai ce fluide de rose
Entre tes dures mâchoires de pierre
En me coupant aux lames de verre
De tes dents, aimants de mes proses.
Je m’étendrai à tes abords.
Là, une immobile jusqu’au soir,
Les yeux fermés, comblée de noir,
Tu seras l’encre de mes pores.
Et pour écrire ce que tu es,
Lourde, je me fondrai à ta masse.
Sous la lune -collés à cette place-
Nous dormirons, ventres défaits.
À l’aurore j’aurai les collines
De tes pommettes d’ambre pour ma bouche,
Ton ventre pour ma main qui s’y couche
Et sa chaleur qui m’assassine.
Dans ce bois au parfum de mangue,
Près de l’eau, se mêleront nos doigts.
Une colombe dans le ciel passera
Et nous aurons l’âme qui tangue.
Nous deux, enlacés, sans rien dire,
Verrons naître un soleil qui bat
Mais l’image s’efface déjà,
Ce n’était qu’un rêve qui expire.
Froissant le bleu matin dans le lit de riches songes, la houle de haute nuit onirique frémit à peine sous l’haleine d’un baiser. L’onde nue et de tiède nacre love ses paresseuses courbes sous la caresse d’un désir quand s’alanguit l’heure de nulle raison, de nulle saison, dans l’embrasement du regard consenti où va mouiller une tendresse sans ancrage. Monte la grande marée des sens quand se lèvent les vents venus d’un pays de connaissance chargés d’effluves domestiques sur les rives d’un sourire en bouquet de parme ; chantent les vents portant l’humus d’anciennes merveilles jusqu’au tréfonds d’une mémoire agile et revisitée des frais espoirs de l’aube ;
soufflent les vents l’unisson d’émois éclatants
quand tombe la mûre moisson des mots d’amour.
Un ciel bas dégouline,
Clapote dans les cœurs.
La ville a ses vapeurs,
Chacun sa grise mine.
Il suinte des murs
L’obsédante rengaine
D’un écho de Verlaine.
Un seul vers, des plus purs.
Il cogne à la fenêtre,
Bondit sur les pavés.
Ses mots restent lovés
Dans les creux de mal-être.
Quand l’absence est ma sœur
Et ma seule compagne,
Un seul vers m’accompagne.
Il pleure dans mon cœur…
Pour rendre hommage à Jacques MULLER, Grand Prix des Poètes Lorrains 2013, sa commune, Angevillers, a organisé une réception fort conviviale en son honneur, aux côtés de son épouse, d’amis, de représentants d’associations, d’élus et d’enseignants. J’ai eu l’honneur d’y représenter la SPAF Lorraine et de présenter le recueil primé ainsi que le talent poétique de Jacques, qui a expliqué la genèse de son inspiration et remercié l’ensemble des participants. Une belle soirée pour laquelle on peut rendre hommage à la commune et son maire, Mme Marcelle Brière. (Texte A. Bemer – Photos G. Legrand)
Toussaint humide et blême.
L’automne larmoie
Des chapelets de feuilles mourantes
Sur les joues mélancoliques
D’une journée languissante.
Le crépuscule a commencé dès l’aube.
Le ciel a gardé closes ses paupières :
,Avare de lumière,
Il n’étale que du gris
En débandade
Entre sapins figés et nuages obèses.
Les lignes s’estompent
Sur l’horizon épuisé.
Les teintes s’anéantissent et sombrent
Dans les gifles de pluie.
Seuls débordent de couleurs
Les cimetières,
Où les vivants chargés de fleurs,
Chuchotent des souvenirs
De mort et de douleur.
Toussaint humide et blême
Octobre a pris congé de l’automne arlequin
Dont Eole moqueur défeuille le costume.
Les morts vont recevoir notre hommage posthume,
Des fleurs pour embellir leur ultime lopin.
Chers parents endormis sous un noir baldaquin
De granit où se brise en vain mon amertume,
Mon corps, saisi d’effroi, refuse la coutume
De vous rejoindre un jour en habit de sapin.
Je veux, réduite en cendre, être d’un sycomore
Le suc qui nourrira les jeunes frondaisons.
Que sa verte ramure aux amis remémore
Mes poèmes dansant le ballet des saisons,
Nos heures de soleil et d’ivresse première,
Mon cœur, insatiable assoiffé de lumière.
Sur l’aile d’une libellule
Un rai de lune s’est posé,
Tel un brin de ciel irisé
Dansant avec le crépuscule.
Ce soir la brise funambule
Prend les senteurs d’un alizé.
Sur l’aile d’une libellule
Un rai de lune s’est posé.
J’aimerais être minuscule,
Un vieux lutin apprivoisé
Qui, d’une plume en bois rosé,
Ecrirait tout un opuscule
Sur l’aile d’une libellule.
Pour voir toutes les photos, cliquer sur l’album ci-dessous :
Magnifique couverture de notre revue, signée Jacqueline GAZONNOIS !
Elle a caressé du pinceau « le chat fantôme » qui, comme tout chat, aime la couverture.
Dans son éditorial, notre président national Abraham Vincent VIGILANT, directeur de la revue, met en exergue l’importance des mots qui éclairent la pensée, nous caractérisent et nous singularisent. Nos propos, notre vocabulaire sont en quelque sorte le miroir de notre personne.
Des poèmes inédits nous emmènent au Bénélux, en Bourgogne et en Bretagne.
Coup de cœur à Jean-Claude POMMERY, Grand Prix d’Art Contemporain au Congrès 2012 à Paris, qui a « l’Art et la Matière » de nous enflammer dans son œuvre « Brûlures ».
Alain ETIEVANT adore et dore « La vigne ensoleillée » au mitan de l’automne flamboyant.
ANK grave ses idées noires marchant « Sur le chemin » d’un énigmatique espoir.
David SOUDAIN, sur acrylique, trace l’ « Horizon » d’un trait de génie.
Et l’illustration photographique de Nadine CELESTIN est le reflet de son âme : tout en nuances et en mystère.
Court intermède poétique quand « Les moulins travestis » de Mary G. TARDREW moulent le vent d’avril « Au souffle du khamsin »
Retour dans la cimaise avec « Le chat » de Raymonde RAMS et le « Fraternitatem » de Laurent PFLUGHAUPT.
Et pour clore l’exposition, Marie-Aimée MOURGUES nous transporte, en compagnie de ses elfes dans le « Mystère du réel ».
Rarement Art et Poésie aura été si richement illustré.
Dans le boudoir des poètes régionaux et francophones, on retrouve une célébrité de la chanson : Salvatore ADAMO. « Et t’oublier » nous ne pourrons jamais.
Beaucoup de poèmes primés méritent le détour même si, une fois n’est pas coutume, aucun poète lorrain n’a prêté sa plume pour écrire des mots.
Au chapitre des « Chroniques » Gilbert ANDRIEU, dans son article « Le poète et le musicien » aborde les questionnements existentiels qu’il illustre au travers de la mythologie grecque.
Gérard LAGLENNE vient parfaire nos connaissances en matière de prosodie. Il nous entraine dans un pas de deux, pour nous faire danser sur un rondel régulier, au rythme d’octosyllabes endiablés qu’aurait aimés Charles d’Orléans.
Suit un sonnet estrambot d’Albert SAMAIN : sonnet irrégulier « à l’espagnole » comprenant 3 tercets au lieu des 2 conventionnels ; Trois pour le prix de deux ! Ollé !
Dans les « Distinctions » nous apprenons avec plaisir l’élection de Jean-Claude GEORGE à l’Académie Lorraine des Sciences.
Sous la plume de Véronique FLABAT-PIOT, nous apprenons le décès de Raymond TROUSSON, Professeur Emérite de Littérature Française à BRUXELLES, auteur de nombreux ouvrages et poète auquel la SPAF avait décerné en 2006, à Lyon, le Grand Prix International de Poésie.
Michel LEON a lu pour vous « Les ailes » de Barbara GIRARDOT qui par sa poésie nous insuffle « Le souffle » de son âme.
Notre ami Armand BEMER délaisse un instant la poésie pour conter une région qu’il aime et qu’il connait.
« A l’encre de la Moselle » il écrit une page d’Histoire locale, exaltant la vie des humbles gens, dans leur terroir assis sur trois frontières.
La préface de Jean-Marie PELT résume bien le quotidien des ces hommes et femmes, de nationalités distinctes, parlant pourtant une seule et même langue : « le platt ».
Georges
En ce dimanche 6 octobre 2013, a eu lieu la cérémonie de remise des prix, dans la salle du château du Grand Sauvoy à Maxéville.
La séance débute vers 10H30 sous la houlette d’Armand BEMER, délégué régional, entouré des autres membres du jury Jean-Claude GEORGE, président honoraire de la SPAF, Joëlle DI SANGRO et Gérard DALSTEIN.
Mr Pierre BAUMANN, Conseiller Général, rejoindra les jurés un peu plus tard, honorant de sa présence l’assemblée comptant environ 70 personnes.
Après un rapide tour d’horizon de la vie courante, Pierre Vincent nous informe que sa démarche auprès des scolaires, pour les sensibiliser à la poésie, ne sera pas reconduite cette année. Jean-Jacques CHIRON relate quant à lui, le déroulement du Congrès international de la SPAF à Chasseneuil du Poitou du 20 au 22 septembre.
Armand BEMER nous invite alors à observer une minute de silence, dans le recueillement, à la mémoire de notre confrère André MARTIN, grand prix des poètes 2010, qui a gagné l’empyrée début septembre.
Place est donnée à la remise des prix.
Le Grand Prix des Poètes Lorrains 2013 est décerné à Mr Jacques MULLER d’Angevillers en Moselle pour son recueil : Industrieuses Amours.
Gérard DALSTEIN, en connaisseur, lui adresse un long éloge, retraçant le parcours éminent d’un journaliste… très inspiré né dans le creuset de la sidérurgie.
Suivent à la tribune les autres participants pour recevoir leurs prix ou distinctions.
Enfin est révélé l’Alérion d’Or 2013 qui, pour la première fois est attribué à…deux récipiendaires : Pierre VINCENT, un récidiviste et Nicole METIVIER, grand prix des poètes lorrains 2008, nouvellement intronisée.
Un petit apéritif, concocté par d’expertes poétesses pâtissières, finit de délier les langues dans un concert de verres et de vers.
Vers 13H00, après avoir nourri l’esprit, nous sommes une cinquantaine à rejoindre la « salle des plats perdus » pour y partager un repas chaleureux et faire plus ample connaissance avec nos voisins de table.
Après le café, nous retournons dans la salle du château où les plumes les plus chevronnées mettent à disposition leurs ouvrages dédicacés.
Armand BEMER demande alors aux lauréats, puis à d’autres téméraires de déclamer leurs plus belles pages.
Vers 17H00 on referme les florilèges.
A l’an prochain !
Georges
Chers Amies et amies poètes,
A l’issue de la remise des prix, dans l’espace traditionnellement réservé à la lecture des textes des auteurs qui souhaitent les communiquer par leur voix, nous avons accueilli cette année une forme très particulière d’expression, en forme de jeu, puisqu’il s’agit d’une animation autour de grilles de mots croisés.
Les définitions, domaine habituellement un peu rigide dans la structure, ont pris cette fois la forme de sonnets sous la plume de Denis TROADEC, de TERVILLE (Moselle), lauréat d’un diplôme d’honneur.
Alors nous vous proposons de poursuivre ce petit jeu sur le blog.
Voici une grille vierge, avec ses définitions dans cette forme générale de sonnet. Proposez vos solutions ! Le règlement est simple. A votre culture et sagacité. La première personne ayant réussi à remplir correctement la grille se verra remettre une œuvre picturale originale lors de la prochaine remise des prix. Une seconde grille vous sera proposée dans une quinzaine, avec les solutions de la première.
Ah, un détail qui a son importance ! Quelques grilles de solutions ont circulé lors de la remise des prix. Aurais-je besoin d’en dire davantage ? Chacun saura quoi faire en sa conscience !
Les résultats de la première grille seront donnés sur le blog dans une quinzaine
« De t’aimer, je n’ai plus le cœur
cité de ma jeunesse grise
de mille oiseaux chanteurs éprise
au soleil fondant des fondeurs. »
Jacques, tu es né devant la batterie des hauts-fourneaux d’Hagondange, tu as vécu ta jeunesse au rythme de leurs feux, des gueulards animant les rues des cités. Et tu offres là dans un quatrain d’octosyllabes une vision d’une poignante justesse. Au soleil fondant des fondeurs… Magie des mots qui plongent dans l’instant inoubliable de la coulée.
Mais à saisir la suite du texte, de tes autres textes, on change tout à coup de registre. Pauvre monsieur Jourdain. Il était si heureux de sa belle découverte. Ainsi ce qui n’est point vers est prose et ce qui n’est point prose est vers ! Merveilleux ! Mais à te lire, est-ce si simple, est ce si sûr ? Si ce n’est point vers, si ce n’est point prose, qu’est-ce donc. Mais oui ! L’œuf de Colomb ! C’est du Jacques Müller !
Mais en entrant dans ton monde, les considérations sur la forme deviennent dérisoires.
Les voici, « les cités incrustées dans la carapace de crustacés monstrueux…saoules du râle de leurs gueulards embouchés jusqu’à la lie…des cités ruisselantes de sueurs acides aux portes des exploits, des cités ayant poussé au pied des pyramides de laitier, hautes et lisses comme les tombeaux des pharaons dans la vallée des rois ; des cités aux draps de cendre flottant sur les pavés, les cours et les jardins ; la cendre jusqu’au lit des chambres nuptiales, là où les nichées ancestrales et multilingues dormirent à la même paillasse des rêves de terre promise. »
Lorsqu’on connaît cette Lorraine là, ses tribus du fer, on peut te voir passer les murailles au gré de ton chant pour nous interpeller depuis l’autre côté du miroir. Tu as traversé le Styx et tu en es revenu avec ta cantilène, un mot bien taillé pour qualifier ton expression poétique. N’aurais-tu pas, dans une autre vie, après le Parnasse, fréquenté le bateau lavoir, avec Picasso et Apollinaire ?
Picasso formé au dessin le plus classique pour lequel il avait un don et qui va progresser pour passer lui aussi de l’autre côté du miroir avec son génie propre, au-delà des règles et des sécurités bien apprises ! Et toi, nourri de culture classique, car tu as notamment suivi Khâgne au lycée Poincaré à Nancy, toi qui a écrit des quantités de vers dans cette tradition, tu abandonnes le confort des consonances de la rime, de la mesure bien réglée, arithmétique des syllabes, des recettes normatives de la prosodie pour explorer le monde intérieur des émotions inaccessibles à qui ne voyage pas les yeux grand ouverts avec une belle curiosité du coeur.
« visages aimés, visages de toujours, au front de la paroi rocheuse où vient mourir la déferlante des jours, enfants dela Curiedes innombrables qui ont fui les éclats du bonheur ; visages du don de soi baignés par le travail d’une mer de métal, d’une mer nourricière à ses marées de hautes et basses règles, et tout à la grammaire du faire dans le communautaire de l’esprit, je vous invoque de toute puissance des émois ! »
Oui, tu invoques, ainsi que les Anciens invoquaient les dieux, et au fil des partitions de ton lyrisme, on sent se redresser, comme dans la caverne de Platon, l’ombre de ces anciens pour retrouver des accents homériques, de l’épopée de l’Odyssée, de l’Iliade, de l’Enéïde. La « Mare Nostrum » s’est faite mer de métal.
Tu n’as pas oublié tes racines, passant des humanités à l’humanisme. Moderne, tu l’es dans la forme, classique tu le demeures dans l’esprit. Sur ton Agora, la guerre des Anciens et des modernes n’aura pas lieu, et alors que les combats des derniers représentants de la longue lignée des ferrons semblent vains, tu continues à déchirer l’omerta qui s’installe peu à peu sur la terrible trahison de la frénésie du profit qui va broyer l’avenir de milliers de familles, tuer l’image du père jadis héros et réduit à la prostration des vaincus.
Installé dès tes premières années professionnelles dans l’encadrement journalistique au grand-duché du Luxembourg, dans le luxe d’une population s’alimentant à la corne d’abondance des trente glorieuses, tu deviens chef de l’agence du Républicain Lorrain de Longwy, découvrant le drame de la misère matérielle et personnelle de la horde des travailleur laissés sur le carreau du plus grand démantèlement industriel de tous les temps, et l’ambiance fataliste qui étouffe ton propre métier. Tu aurais pu, comme beaucoup, attendre que l’exil longovicien se passe pour aller vers des cieux plus rieurs. Non, tu t’es attaché à ce peuple, refusant de t’associer à ce déclin tous azimuts, et au cœur de l’agence où tout semblait perdu, tu as, selon ta propre expression « ouvert en grand les fenêtres ». Je le sais par ton propos lorsque je t’ai rencontré pour préparer cette journée, mais je le sais aussi par un ami qui travaillait alors sous ta responsabilité, et auquel tu passeras ensuite le témoin.
Poète engagé, loin des salons et estaminets, ta discrétion ne suffit pas à masquer une certaine grandeur d’âme, une grandeur d’âme certaine. Et si tu as mis tout ton cœur dans ton métier de journaliste pour apporter de l’espoir à ceux de ta « tribu » dans les heures les plus sombres, tu n’as pas attendu le déclin pour pénétrer au cœur des antres du travail en prenant durant les vacances de tes années d’étude divers travaux postés, notamment un poste de pontonnier manipulant les lingots incandescents de plusieurs tonnes au bout d’énormes pinces se balançant au dessus de la fournaise des fours Pitt.
Tu nous laisses, avec ce cri qui n’est pas formulé comme une question, et qui pourtant me pousse à apporter une réponse :
« Des trompes funestes fissuraient depuis un temps déjà, les hautes murailles du temple du faire, et il m’appartiendrait – ô chantre des tribus honnies, abandonnées au sort des parias- de pratiquer les Langues de feu, figées dans leurs Coulées de larmes »
Oui, Jacques, cela t’appartient ! Et tu le fais si bien passant au-delà des mots dans l’esprit des choses.
D’ailleurs, avec la richesse, la précision de tes images, certaines de tes expression vont déjà passer dans l’un des plus impressionnants dictionnaires de langue, dont la dernière édition est en cours, dictionnaire né sur la terre Lorraine, dans la terre lorraine, une somme faisant référence en la matière en 6 volumes avec 80 000 entrées, le Glossaire du haut-fourneau.
En guise de conclusion, et puisque l’ouvrage dont ont été tirés les textes présentés au concours est maintenant édité sous le titre « Industrieuses amours », je ne peux m’empêcher de partager à l’assemblée un extrait de tes propos gravés in fine de la quatrième de couverture, et qui résonnent comme un viatique pour l’avenir aux présents et futurs esclaves du virtuel :
« Mais il faudra dire aussi à tous les analphabètes de la communion des sens, l’incommensurable bonheur à pratiquer cette langue universelle -c’est-à-dire le braille ouvrier qui ne se lit qu’avec les doigts de l’expertise révélée- et transmise dans la perfection du geste. »
Bravo, Jacques pour ces multiples facettes de la poésie au grand air des fenêtres ouvertes sur un pays, une terre, et le cœur des hommes, et si sur ton chemin tu trouves de l’étonnement, peut-être même de l’incompréhension sur ton art d’écrire, je te citerai cette très belle invitation d’un poète que tu ne renies probablement pas, je veux parler de René Char. Il te dit :
« Impose ta chance,
Serre ton bonheur
Et va vers ton risque.
A te voir, ils s’habitueront. »
Villers les Nancy le 30 septembre 2013
Coulez de fleur en feuille, ô douce ribambelle
Des pétales de lune éclos sur les jardins !
D’une touche laiteuse éclairez les andains,
Allumez le sentier sous les pas de Cybèle,
J’écoute ainsi renaître en mon âme rebelle
Un chant qui s’alanguit à la brise, aux embruns,
Qu’enfièvre un goût d’iode et de goémons bruns :
J’ai besoin d’un ailleurs, d’une aube rude, belle.
Surgi de nulle part un astre chevelu
Ravive encore en moi cette soif d’absolu,
Cependant qu’il parcourt l’infinité cosmique
Pour mieux t’approfondir, à quelle aune, à quel muid
Devrais-je mesurer ton immense harmonique,
Insondable mystère où s’abîme la nuit ?
La remise des prix s’est déroulée le dimanche 6 octobre 2013 à Nancy.
Les membres du jury et Pierre Baumann, au centre, du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle.
De gauche à droite : Jean-Claude GEORGE, Armand BEMER, Pierre BAUMANN, Joëlle DI SANGRO et Gérard DALSTEIN.
Jacques MULLER, Grand Prix des Poètes Lorrains, entouré de Pierre BAUMANN, Jean-Claude GEORGE et Armand BEMER.
Les deux Alérions, Nicole METIVIER et Pierre VINCENT, entourés de Pierre BAUMANN et des quatre membres du jury.
Les trois lauréats et les quatre membres du jury.
Pour voir toutes les photos (réalisées par Franco DI SANGRO), cliquer sur l’album ci-dessous :
Pour qu’il embaume ce poème
Reçois mon bouquet de lilas.
N’écoute plus sonner le glas,
Rappelle-toi qu’au moins je t’aime.
Méprise le vil anathème
D’un amoureux au cœur trop las.
Pour qu’il embaume ce poème
Reçois mon bouquet de lilas.
Reprends ta route de bohème
Et jette tous les falbalas,
Tes dentelles, tes entrelacs.
De tes fleurs tresse un diadème
Pour qu’il embaume ce poème.
Les Lorrains furent dignement représentés. En effet, Jean-Jacques CHIRON fut récompensé et Claudine GEORGE et moi-même avons été reconduites à l’unanimité à nos charges de membres du Conseil d’Administration.
Pour ce qui concerne la remise des prix, Madame RAFFARIN Adjointe au Maire, a remis la plupart des prix et Jean-Pierre RAFFARIN est venu remettre les plus importants.
La remise des prix eut lieu salle de la Quintaine et le repas officiel au retaurant : » Le Château de la Ribaudière ».
Le Conseil d’Administration a élu Michel LEON (au centre ci-dessous) nouveau président de la SPAF. Il prendra ses fonctions lors du Congrès 2014 à St MALO.
A l’issue de la remise des prix, quelques membres du Conseil l’ont pris à part et il lui fut remis (petit compliment en sus) un superbe collier constitué d’un camenbert » PRESIDENT » comportant duement le fromage (bien fait un peu coulant même) pour bien lui signifier ce que nous attendions de lui à l’avenir…C’est ce qui explique les mines réjouies qui l’entourent ! Le bâteau, sur le sac qu’il tient à la main, contenait le cadeau et était un clin d’œil à sa vocation de marin.
(commentaires transmis par Joëlle di Sangro)
Pour voir toutes les photos, cliquer sur l’album ci-dessous :
Et dans le silence bleu là-haut du firmament,
Comme une couleur plus haute, comme une gorge de ciel,
M’apparaissait un gouffre où mon œil, l’attendant,
Je vis soudain briller un filament de miel.
Pétillant, étincelant, comme un collier cassé,
Etiré, en suspens et qui se désagrège
Dont on aurait ôté les perlettes’ dorées
En un clin d’œil pressé, un vif tour de manège.
Là entre les étoiles accrochant mon délire,
Il avait emporté dans son fil de dentelles
En plus de ma part d’ombre, un élan d’avenir
Et tiré de mon être un arbre de Noël.
Je sentais son étoile que je n’avais pas vue
En retard au miroir de mon iris briller
Car une gosse pluie de fleurs au cœur jaune, apparue,
Pulsa dans le pollen qu’elle laissait rayonner.
Et ce morceau infime de lumière a tout mis
-De ce qui n’a de prix, de ce qui vit plus fort,
De ce qui nous déborde dans un rai si petit-
Dans la boîte trop réduite que je suis pour son corps.
C’est le fil d’un réseau immense et infini
Où je voulu me pendre une seconde, une fraction
Mais l’histoire a eu lieu à tant d’années d’ici,
Dix mille Moi n’étaient nés, il est cassé le pont.
Reste la persistance de ces feux d’artifice
Dans le tableau vivant comme un rêve à la craie,
Une caresse allumée sur notre précipice,
Ou une larme élastique sur une heure qui se tait.
Au clocher de Sainte-Gudule
Chante l’angélus du matin.
Un moine entonne son latin,
Alors sourit un incrédule.
Les airs que le sonneur module
Réveillent le jour incertain.
Au clocher de Sainte-Gudule
Chante l’angélus du matin.
Comme un solennel hiérodule
S’avance le vieux sacristain.
Son regard luit, presque enfantin,
Quand l’airain vibre, puis ondule,
Au clocher de Sainte-Gudule.
La flèche du désir, dans un monde étriqué,
S’affole et pique au sol. Icare dégringole,
Ses ailes battant l’air, tout son corps disloqué,
Ne traçant dans le ciel qu’instable parabole.
Tel est notre délire : Atteindre le soleil,
Un midi pour la vie ou l’arrêt sur image !
Conflagration subite et plaisir sans pareil !
Où mène l’inconscience ? A l’ultime naufrage.
Mais qu’importe ! Le sel de la vie est voyage,
Inauguré dès l’aube, en le simple appareil
D’un sentiment d’exil. S’extirper de la cage,
Fuir de la nuit des temps l’immémorial sommeil.
Rien ne sert d’entraver un oiseau qui s’envole !
Peut-il imaginer sa descente en piqué ?
Passe le mur du son ! Trouve enfin la parole !
Toi, flèche du désir, qui n’a pas abdiqué.
Visage toujours jeune au long cours du silence,
Tu surgis dans l’album exhumé d’un tiroir.
Je scrute alors, maussade, un perfide miroir
Reflétant mon image avec grande insolence.
Entre mille raisons je cherche et je balance.
Pourquoi n’avoir voulu jamais nous décevoir,
Rester insoucieux, même d’un au revoir,
Mais laisser le destin nous faire violence ?
La pénombre câline étouffe mes sanglots.
Le cœur appesanti sur des rêves bien clos,
Je sais que nos projets sont maintenant chimère.
Ni l’automne et ses ors, ni le tendre printemps
Ne pourront adoucir l’expérience amère
D’un amour qui se meurt aux ravines du temps.