Comme deux papillons, dans le temps automnal,
A l’esquisse du jour, évanescente image,
S’en vont, par les coteaux, frôler d’une aile sage
Les fils blancs cotonneux, ouvrage virginal.
Comme deux roitelets, ou comme deux mésanges,
Ivres de liberté, fusent dans le matin,
Pour aller caresser, d’un coup d’aile mutin,
Graciles et dorés, les longs cheveux des anges.
Comme deux papillons, comme deux passereaux,
Deux mains de musicienne, élégance infinie,
Des mains riches d’émoi, de fougue et d’harmonie
Exécutent céans un ballet des plus beaux.
Harpiste, feu follet, délicat sortilège,
Dont la légère main, pittoresque tableau,
S’échappe en imitant l’envolée de l’oiseau
Et se pose, déjà, pour un subtil arpège.
Chaque main est l’oiseau, chacune est papillon.
Chaque main vit l’accord, comme un couple fidèle
Qu’une même harmonie enchante ou ensorcèle,
Quand l’amour, dans le cœur, plante son aiguillon.
Chaque main est l’oiseau qu’un destin pathétique
Oblige à voleter loin de son compagnon,
Et qui vient effleurer, barreaux d’une prison,
Les cordes d’une harpe obstacle emblématique.
Deux égaux, deux jumeaux, l’hymen est interdit,
Sur les cordes ces mains sont l’image réelle
De deux oiseaux chantant la même ritournelle
Et qui n’iront jamais hanter le même nid.
Pourtant, ce sont bien là deux âmes accouplées,
Deux mains symbolisant un lyrique duo :
Euterpe la joyeuse et l’aimable Erato,
Musique et poésie à jamais accordées.