Archive pour la Catégorie 'Règles de l’Art'

7/ L’acrostiche (par Gérard Dalstein)

Parmi les poèmes à forme fixe, il en est un qui possède un certain pouvoir ludique, non qu’il soit forcément facile à négocier, mais en tous cas plaisant à composer. Il s’agit de l’acrostiche, considéré par un certain nombre de spécialistes comme une forme « fantaisiste », ce qui ne lui enlève rien de son charme poétique. Personnellement, je le conseillerais volontiers pour se faire la main, ou prendre un petit plaisir d’écriture, en tous lieux et à tout âge ! 

La forme de l’acrostiche, qui remonte à l’Antiquité, oblige l’auteur à reprendre le titre de son poème (ou parfois son nom ou le nom celui auquel il le dédicace) verticalement en faisant commencer chaque vers par chacune des lettres de ce titre (ou de ce nom). 

Il s’en suit une présentation sans strophe, la structure du titre (ou du nom) choisi donnant celle de l’ordonnancement des vers. 

De ce fait, cette forme s’écrit le plus souvent en rimes alternées de type ABAB.

(Pour découvrir la suite, cliquer sur ce lien : 7/ L'acrostiche (par Gérard Dalstein) dans * DALSTEIN Gérard doc dalsteinacrostiche.doc ) 

6/ Le sonnet (par Jean-Jacques Chiron)

Cette forme fixe est venue d’Italie au XVIème siècle. Elle connut immédiatement

un immense succès.

Il est formé de 14 vers répartis en deux quatrains à rimes embrassées et deux tercets.

Deux formes sont correctes :

- abba abba ccd eed dite italienne,

- abba abba ccd ede dite régulière ou française.

Les quatrains doivent être de composition identique.

Au début, le sonnet était composé en vers décasyllabiques puis en alexandrins.

Il n’admet ni médiocrité, ni négligence et le dernier vers doit en être le fleuron.

Pour les rimes, il est recommandé de respecter les consonnes d’appui, comme l’absence d’écho est conseillé, avec au pire une seule tolérance, à condition qu’elle

n’affecte pas l’oreille et ne trouble pas l’harmonie et la sonorité de l’ensemble.

Ainsi les sixièmes pieds de chaque vers ne doivent pas rimer entre eux comme

avec les rimes finales de chacun.

Bien entendu, l’imagination des poètes a permis la formation de nouvelles fixes

du sonnet ou avatars (régulier négligé, estrambot, alterné, renversé, polaire, layé,

irrégulier, apparent, élisabéthain, quinzain, seizain et à codas) qui peuvent faire

l’objet d’une autre étude. Pour ces derniers, les règles citées plus haut sont

applicables.

Voici un sonnet de Pierre Montréal cité en exemple dans le livre de Jean-Claude

De Michieli intitulé : Les Arcanes Du Vers Ou Le Voyage En Prosodie :

 

LES TREFLES DU BONHEUR

 

Il suffirait d’un rien, sans doute d’une rose

Et d’un vil écu d’or offert au vagabond

Avec beaucoup d’égard, sans être pudibond,

Pour qu’un nouvel ami devînt bien douce chose.

 

Je le vois se blottir devant ma porte close

Une nuit de Noël, haineux ou moribond

Au bord du désespoir qu’il peut franchir d’un bond

Vers le monde à l’étroit de la métamorphose…

 

Il faut qu’il ait reçu d’un vieux samaritain

La moitié d’un manteau, comme fit Saint-Martin

Envers un pauvre diable, en couvrant sa détresse.

 

Peut-être, maintenant, vit-il en grand seigneur,

Tandis que, solitaire accablé de tendresse,

Je cherche dans les prés les trèfles du bonheur…

 

5/ Métrique en versification

A l’origine, l’étude de la métrique était commune à la poésie et à la musique, ce qui ne surprend pas, car l’objectif du respect de la métrique dans la versification demeure encore aujourd’hui bien lié à une notion de rythme et de musique. 

 

Dans les langues modernes d’origine latine, ce qui est le cas de la nôtre, la pratique de la métrique est très simple, car elle se borne à compter les syllabes sans s’occuper comme dans les langues antiques des quantités à accorder à certaines syllabes en fonction des accents. 

 

Ouf, on l’a échappé belle ! 

 

Donc, constat  (1) : une syllabe égal un pied. Rien de plus simple. 

Un / jour/, ma/ sœur/ vien/dra/ 

Six pieds. Oui, rien de plus simple ! 

 

Mais si je dis : 

« Un jour, mon prince viendra » 

 

A la prononciation ordinaire, on trouve aussi six pieds, en « avalant » le e muet de prince qui se trouve ainsi réduit à une syllabe. Mais en fait prince compte bien deux syllabes, la preuve : 

Le/ prin/ce/ dont /je/ rêve …il y a bien 6 pieds ! 

Mais au fait, pourquoi pas 7 ? Rêve compte bien aussi deux syllabes ? Et non, en fin de vers, le e muet ne se prononce pas ! 

 

Donc constat  (2) : En fin de vers, le e muet ne se prononce pas et la syllabe qui le contient ne compte plus pour un pied 

Il/ est/ vrai/ment/ char/mant/, le/ prin/ce/ dont/ je/ rêv’(e)  = 12 pieds 

 

Alors que fait on de nos e muets lorsqu’ils ne sont pas en fin de vers ? 

La règle qui  permet  d’intégrer cette réalité consiste à éviter de placer dans un vers un e muet devant une consonne, c’est-à-dire que le e muet devra être suivi d’une voyelle avec laquelle il va se fondre en un son unique, un e ou un é en poésie classique pure. Ce phénomène est nommé Synérèse (ou contraction). 

 

Donc recommandation ( 3) : En cours de vers il est recommandé de ne pas placer de mot finissant par une voyelle muette devant un mot commençant par une consonne : exemple : 

Un/ jour/ mon/ prin/c(e) vien/dra em/me/ner son aim/ée = A EVITER (cas d’intention d’un vers de 12 pieds qui en fait en compte treize !) 

 

En revanche, je peux placer un mot finissant par un e muet devant un mot commençant par un e ou un é (ou le son é, comme ai). 

Pour reprendre le même exemple, je peux écrire « un/ jour/ mon/ princ/ (e) em/me/na son ai/mée ». Il y a bien séparément deux syllabes à prince et trois à emmena. Mais quand on rassemble les deux, on obtient pas cinq, mais quatre pieds ! Donc encore douze au total. Il y a fusion entre le e muet de prince et le e de emmena. Encore une synérèse (ou contraction). 

 

Donc recommandation (4) : Il est recommandé de  placer en cours de vers un mot finissant par un e muet devant un mot commençant par un e ou é 

 

 Toutefois, la fusion de deux voyelles dont l’une est différente du e ou du é peut être admise sauf si cette fusion des voyelles provoque un effet sonore disgracieux, ou hiatus. Exemple : 

 

 Un/ jour/ le/ princ/(e) ins/pir/(e) /un poèm/(e) à/ sa/ bell(e) = 12 pieds 

 

La métrique est correcte et nous avons donc bien 12 pieds avec 3 synérèses et un e muet en fin de vers, mais le choc de deux sons semblables le « ince » de prince et le « ins » de inspire n’est pas du plus bel effet. 

 

Donc recommandation  (5) : Il est recommandé d’éviter le choc de sons disgracieux dans les synérèses et notamment la répétition du même son sur le lieu de la contraction 

 

Pour clore ce chapitre, il faut considérer que le « e muet », n’est pas une voyelle ordinaire. Car dans tous les autres cas, le choc entre voyelles (finissant un mot bien entendu, car à l’intérieur des mots il existe des hiatus que personne ne songerait à contester) en cours de vers provoque ce que l’on nomme un hiatus, normalement interdit en versification classique à l’époque de Boileau, et le demeurant jusqu’à preuve de l’heureux effet poétique dudit hiatus

 

Donc recommandation  (6) : Il est recommandé de ne pas se faire succéder en cours de vers deux mots finissant pour le premier et commençant pour le second, par une voyelle (à distinguer d’une diphtongue), c’est-à-dire, le e muet excepté, par a, i, o et u. 

 

Je peux dire par exemple « j’irai où l’on m’appelle » (6 pieds) 

Car  «  » est une diphtongue bien qu’elle finisse par la voyelle u

et non pas « j’irai à la plage » car le son «ai » de « j’irai » est assimilable à la voyelle é qui s’entrechoque avec la voyelle à

 

Toutefois, j’ajoute que la forme classique « pure » interdit quant à elle tout choc de voyelles, même si elles sont intégrées dans une diphtongue, et que l’exemple de « j’irai où » peut être critiqué dans certaines « écoles ». Toutefois comme ce respect inconditionnel peut interdire aussi certains effets heureux, il reste à chacun de discerner s’il doit aller au bout de la logique d’évitement absolu de choc de voyelles, fussent-elles intégrées dans une diphtongue, ou s’il se permet de demeurer exceptionnellement en bordure de cette règle pour enrichir son texte avec un effet heureux. Tout  est alors dans l’oreille. 

 

Tout cela peut paraître bien compliqué. Pourtant, à la lecture, avec notre prononciation  contemporaine (on va prendre pour référence celle de l’Ile de France pour ne pas entrer dans les particularismes), il faut reconnaître que l’oreille est plus intelligente que nos raisonnements. Encore faut-il en prendre conscience. Une langue, c’est un édifice, avec toute la richesse de son architecture. 

 

Donc recommandation (7) déjà dite et rabâchée sur le blog : Il est fortement recommandé de relire les poèmes à voix haute, et de les faire lire également à voix haute par une tierce personne. 

 

°°°°°°°°°°°° 

 

Le piège : les hiatus nous les repérons rarement lorsque nous écrivons ! Plus traîtres ! Ils s’entendent souvent quand nous lisons, mais plus souvent encore lorsque d’autres les lisent ! 

 

Eviter les hiatus est un art plus difficile que de compter les pieds et le premier l’emporte souvent sur le second  dans la composition 

 

 

Petit lexique : 

 

E muet : e qui ne se prononce pas à la fin d’un mot (pas de son e). En revanche le é se prononce toujours car il est accentué, et le e qui le suit au féminin demeure muet. 

 

Pied : syllabe, ou ensemble de lettres qui se prononcent en un son unique 

 

Hiatus : Choc disgracieux entre la voyelle ou la diphtongue qui termine un mot et la voyelle ou diphtongue qui commence le mot suivant. 

Exemple : Où j’irai, il ira (choc entre la diphtongue ai et le i de ira) 

 

Toutefois cette règle ne s’applique pas en fin de vers  

Exemple :« Partout  sur les chemins où je sais qu’il ira 

Il y verra mon ombre étendue à ses pieds. 

 

Diphtongue : Ensemble de voyelles qui se prononcent en un son unique (exemples : ou, oi, ieu, etc) 

Diérèse (synonyme élision) : Au niveau de la prononciation, dissociation d’une diphtongue en deux syllabes. Exemple si/lenci/eux qui se prononce en trois pieds en dissociant la diphtongue ieu après le i

En revanche, en poésie classique cieux, qui relève de la même logique, se prononce en une seule syllabe. Mais ce sont là des subtilités dues à des usages qu’il ne me paraît pas vraiment fautif de ne pas reconnaître si la beauté de la poésie y trouve son compte. 

 

Synérèse : ou contraire de la diérèse. Il s’agit de la fusion de deux voyelles contiguës, soit  dans le langage ordinaire à l’intérieur d’un mot (exemple le mot lier du verbe lier où on obtient le son ié), soit, en poésie classique, entre la fin d’un mot et le début du suivant au cours d’un vers, et c’est certainement le domaine le plus délicat sur lequel il y aura encore à dire, car il renvoie inévitablement au hiatus. 

En poésie classique de pure forme, nous n’avons en ce domaine que les synérèses entre  le e muet finissant un mot (et même pas la diphtongue) et le e ou le e accentué du mot suivant. 

Je pourrais dire : 

« Un / bai/ser /sur/ la /jou/e é/vei/llera/ mon/ princ’ (e) » 

Mais en poésie classique pure le e muet de joue est intégré dans une diphtongue à prononciation « ou » et non pas e muet, bien que le e demeure muet dans la diphtongue. 

« On / se/ promèn/e en/sem/bl/e en/ par/lant/ d’a/ve/nir » 

Noues avons ici une succession de deux synérèses sur des mots dont l’un finit par un e muet et le suivant commence par une diphtongue générée par un e. 

 

Mais encore une fois, tout cela a l’air plus compliqué que dans la pratique, car la poésie est avant tout musicale. Les règles nous aident à comprendre les raisons de certaines difficultés, mais elles sont avant tout au service de notre intelligence de la poésie qui nous est particulière à chacun. 

 

Gérard Dalstein 

4/ La rime

Rappelons que pour qu’il y ait rime, il faut que tout ce qui suit la dernière voyelle soit identique.
“bise” et “dire” par exemple ne sont pas des rimes mais des assonances.
“bise” et “mise” sont des rimes suffisantes puisque ce qui suit le i est identique.
“chemise” et “mise” sont des rimes riches puisqu’en plus de la rime, la consonne d’appui, c’est-à-dire celle qui précède la dernière voyelle, est également identique.
Les mots d’une seule syllabe sont admis comme étant des rimes. Ainsi “feu” et “bleu”, que l’on pourrait prendre pour des assonances puisque seul le “eu” leur est commun, sont malgré tout considérés comme des rimes, à utiliser de préférence dans des vers qui se suivent deux à deux (rimes plates ou suivies)
Les rimes riches sont recommandées dans les vers à rimes croisées (Féminine/masculine/féminine/masculine) et encore davantage dans les rimes embrassées dans le 1er et le 4e vers du fait de leur éloignement (Féminine/masculine/masculine/féminine).
A signaler par ailleurs que quatre vers sur deux rimes plates ne forment pas une strophe. C’est-à-dire que les rimes plates ou suivies sont surtout dans les grands poèmes sans strophe ou dans les tragédies et comédies classiques.
Enfin, il est important que l’alternance masculine/féminine soit respectée, c’est-à-dire que si le 4e vers d’une strophe se termine sur une rime masculine, le 1er vers de la strophe suivante se terminera obligatoirement sur une rime féminine, et vice versa.

Isabelle Chalumeau 

3/ L’alternance des rimes féminines et masculines

Règle élémentaire mais d’une importance capitale pour l’harmonie d’un texte rimé….
Qu’elles soient suivies, croisées, embrassées ou sous une forme fixe, Il faut toujours alterner les rimes masculines avec les rimes féminines….

Rappelons ce que sont les rimes féminines ou masculines :
rien à voir avec le genre féminin ou masculin du mot rimé,
une rime féminine est une rime qui termine par un e muet,
exemple : « rôle » « drôle » « incendie » « caddie »
une rime masculine est une rime qui ne termine pas par un e muet,
exemple : « virginité » « virilité » « rumeur » « humeur » 

Donc  en rimes croisées, une rime masculine doit toujours être suivie par une rime féminine et vice versa….

En rimes plates ou suivies c’est idem mais par paire de rimes, deux rimes féminines seront suivies de deux rimes masculines et vice et versa.

En rimes embrassées c’est presque pareil et voici un exemple d’alternance sur des rimes embrassées :

Horloge! Dieu sinistre, effrayant, impassible,                                   féminine
Dont le doigt nous menace et nous dit: « Souviens-toi!                     masculine
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi                        masculine
Se planteront bientôt comme dans une cible;                                  féminine

Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon                                            masculine
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse;                                   féminine
Chaque instant te dévore un morceau du délice                  féminine
A chaque homme accordé pour toute sa saison                  masculine
(
Charles Baudelaire)

Quand un ordre d’alternance est défini, cet ordre doit être gardé du début à la fin du poème ou/et  à chaque strophe….

En revanche, dans la versification classique, il est généralement interdit de faire rimer une rime masculine avec une rime féminine,
« clerc » ne rime pas avec « claire »
« chair » ne rime pas avec « chère »

                                                                       (Claudio Boaretto)

2/ L’alternance des rimes

Joëlle di Sangro nous fait part d’une autre règle : l’alternance des rimes masculines et féminines ( ou leur « embrassement ».)

C’est à dire:A   ou bien: A

             B            B

             A            B

             B            A

Tout en sachant bien que la rime féminine compte un pied de plus à cause du »e » muet la terminant; exemple:

Je/suis/d’un/pas/rê/veur/le/sen/tier/so/li/taire

J’ai/me’à/re/voir/en/cor/pour/la/der/niè/re/fois 

Ce/so:leil/pa/li/ssant/dont/la/fai/ble/lu/mière

Per/ce à/pei/ne’a/mes/pieds/l’ob/scu/ri/té/des/bois

(Extrait de « L’automne » d’Alphonse de Lamartine)

1/ Relire à voix haute

Tout poète doit relire tout haut ce qu’il vient d’écrire. 
C’est à l’oreille que l’on ressent que  » quelque chose trébuche ». 
Un vers convenablement écrit « coule » sans problème et flatte l’oreille.

(Joëlle di Sangro)

0/ Les règles de l’Art

Cette rubrique « Règles de l’Art » a été proposée par quelques adhérents pour apporter des bases et des conseils à l’ensemble des lecteurs qui le souhaitent et pour répondre à une demande émanant de certains adhérents de la délégation lorraine, désireux de recevoir une aide à l’écriture poétique. Les contributions devront être signées pour permettre l’échange et l’expression d’avis convergents ou divergents. Dans un souci de clarté, chaque règle (numérotée par l’administratrice du blog) ne devrait aborder qu’un seul sujet et le traiter brièvement. Ces contributions n’engagent que leurs auteurs et ne définissent nullement la ligne d’écriture poétique de la SPAF Lorraine. 

Armand Bemer, délégué régional




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