Archive pour la Catégorie '* JOFA Nathalie'

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Automne

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Frissons de mars

Mars, tu tardes
tu traînes des pieds
tu musardes
et nous sommes gelés

N’as-tu pas vu les primevères
jolies et colorées
les crocus qui entrouvrent
leur corolle de velours
sur un coeur jaune doré ?

N’entends-tu pas chanter le merle
ne vois-tu pas des mésanges, le ballet ?
Pourquoi faut-il que tu passes
en couvrant de neige, de glace
la nature qui renaît ?

Tu joues encore avec l’hiver
tu ne veux le laisser filer
et dans le ciel bleu laiteux
le soleil est tout gelé

Mars, tu triches !
Nous avions rendez-vous
dans ce jardin en friches
parsemé de cailloux

où nous rêvions à la douceur
d’une brise sur la peau
à un soleil presque chaud
nimbant des bourgons vert-tendre
et dire qu’il gèle à pierre fendre !

Tu grimaces
tu ne nous souris pas
tu nous jettes un manteau de froid
nous, poètes sommes en détresse
l’encre fige dans nos stylos
car avec indélicatesse
au printemps tu tournes le dos.

Oeuvre sans nom

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Oeuvre sans nom

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Oeuvre sans nom

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Un cri

Exaltante, on la croque
assassine, elle nous lamine
elle nous ment, on lui ment aussi
                                                        la Vie…

Palpitante, elle anime l’esprit
pathétique, on s’y raccroche
on la boit, on la crache
c’est le sang, c’est une tache
elle est rayonnante, elle est moche
                                                        la Vie…

D’évidences, elle nous projette
loin devant, dans le temps
pétrie d’incertitudes
c’est une angoisse pendue
à sa bouée de survie
                                                        la Vie…

On l’adore jusqu’à ce qu’elle nous vide
jusqu’à ce qu’elle nous ride
on la porte comme un fardeau
dans le ciel bleu, elle est oiseau
elle est salace, elle est fugace
elle est… tellement divine
                                                          la Vie…

Du fond de son hiver
on veut la fuir
on la supplie de revenir
elle file, elle défile
les jeunes pousses, les vieux sarments…
Cette envie qui nous pousse
toujours devant.

On la dévore, on la vomit
doucereuse ou sulfureuse
impitoyable et charitable
elle est la chance ou le tourment
tantôt amie, tantôt ennemie
l’ultime instant est un soupir
son commencement est un cri !
                                                         La Vie…

Je me souviendrai de la mer

Le chant vivant de la mer bien longtemps m’a bercée… 

J’ai vu le ciel s’y refléter et j’ai contemplé ses reflets : or, feu, gris, bleus, émeraude.
Rugissante ou rassurante, gerbes d’écume fracassantes, vaguelettes endormeuses, venues lécher… 

Au rythme de ses marées, j’ai trouvé mon souffle, et appelé Liberté cette immensité bleue. 

Le chant vivant de la mer bien longtemps m’a bercée… 

Dans le secret de ses rochers, j’ai cueilli mille et un trésors. Des coquillages nacrés et l’anémone qui dort lorsque l’eau se retire…
Dans le sable mouillé, j’ai enfoncé mes pieds et tracé des chemins nouveaux que les vagues effaçaient… 

Translucide comme une vérité, elle a oint mon corps blessé, de son eau où je voulais me perdre.
Sur la grève, elle m’a ramenée… 

Le chant vivant de la mer bien longtemps m’a bercée… 

Dans ses anses, ses criques. Sur ses longues plages étirées, j’ai bien souvent trouvé refuge, ou, sortant d’une tempête, accosté… Et si quelquefois, j’ai cru perdre mon âme, faire naufrage en sombrant par le fond ; en regardant son horizon, la mer, comme un mirage m’a redonné le souffle… 

Loin à présent, je pense à elle quand l’envie d’infinité me prend.
Son ressac appartient à ma mémoire. En fermant les yeux, je peux l’entendre encore…
Parfois, errant un peu, je cherche dans mon village à l’écart dans les terres, la ruelle qui conduit au port… 

Le chant vivant de la mer bien longtemps m’a bercée… 

Mer. Mère de mes vingt ans, elle a bu mes larmes amères…
D’éternité est fait l’océan.
 

Humeurs boréales

La mer est à la fenêtre des yeux
Le soleil, au reflet de la mémoire
L’imagination se fait espoir
Je rêve, je rêve parce qu’il pleut.

Le ciel s’abat sur le mois d’août
L’été depuis des jours succombe
En équilibre sur sa tombe
Le bel été est à genoux.

Les jours à pas lents raccourcissent
Le ciel se meurt de l’astre absent
La sève se fige comme le sang
Je prie pour que l’horizon s’éclaircisse.

Le large est au seuil des âmes
L’aube est d’un rose imaginé
Je rêve que m’emporte la marée
La pluie de cet été nous damne.

Le foin, les prunes, l’orée du bois
L’anisette bue au zénith
Parfums que les souvenirs habitent
Quand les lézards sont aux abois.

L’été a le regard étrange
De l’enfant délivré mort-né
Cet automne prématuré
Pisse, maussade, dans ses langes.

Ma peau se plisse de frissons
Du soleil, manquent les caresses
Le sol brûlant et la paresse…
Ma peau se couvre de tessons.

La mer est à la fenêtre des yeux
Le rouge dans le verre de cristal
On trinque à l’été en cavale
Rêvant qu’il revienne radieux. 

Au pied du sémaphore

J’écoute gémir le vent dans le bois qui frémit
j’entends comme une plainte
Je regarde les cieux où la lune blêmit
et je la vois éteinte

Je contemple la mer, me berce du ressac
je suis au bout du monde
Vent debout, je résiste aux courants démoniaques
je me sens moribonde

Je cherche la lumière dans des rues ténébreuses
je recherche un asile
Oh comme j’aimerais me sentir amoureuse
de ce nouvel exil !

Je vois au bout du quai un homme qui me hèle
serait-ce un étranger
un voyageur perdu, un enfant d’Israël
un messager de paix ?

Je me hâte vers lui mais voilà qu’il s’éloigne
je hurle dans la nuit
Mes cheveux sont mouillés et le vent les empoigne
Et tandis qu’il rugit…

je regarde mourir la silhouette dans la brume
Ses bras bougent encore…
Le silence habite dans l’antre de Neptune
au pied du sémaphore. 

L’adieu au monde

Les portes du ciel grand’ouvertes
Sur des hordes d’oiseaux hurlants
La terre entièrement recouverte
D’un tulle de mariée en blanc 

L’innocence de notre enfance
À l’aube d’un jour, défenestrée
Pour de lointaines transhumances
Pleurer, souffrir, toujours marcher 

Les portes du ciel grand’ouvertes
Matrice enfin déchiquetée
La mer accouchera d’un être
Fragile, aux veines dénudées 

Au vantail du cimetière
Une foule lente et silencieuse
C’est notre existence qu’on enterre
Fin d’une sente tortueuse 

Les portes du ciel éventrées
Nos mères se ridant de chagrin
Rouges blessures, cœurs mazoutés
Vaincus, échoués, tendant la main 

Les portes du ciel arrachées
Au vent d’un ouragan funéraire
L’Amour à la Mort marié
La Vie louée au cimetière 

À l’heure venue de la revanche
Nos pères demanderont pardon
Sans masque, sans effet de manches
Grands de détresse, ils s’inclineront 

Les portes du ciel refermées
Sur ces certitudes vacillantes
Les hordes d’oiseaux dispersées
Sur notre terre agonisante 

Ultime envol vers la lumière
Où vos ailes se seront brûlées
La route est parsemée de pierres
Vos noms y resteront gravés.
 

Nathalie Jofa dite Nej

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Nathalie JOFA dite NEJ se souvient de son premier carnet de poèmes illustré. Elle avait 6 ans… Bercée dans son enfance par  Maurice Carême et Jacques Prévert, elle connait ses véritables émois poétiques à l’adolescence en découvrant Verlaine Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Eluard… A  17 ans, elle publie un premier recueil intitulé  » fumées-Embruns ».(1979)
Auteur de neuf recueils de poèmes et d’un roman, Nej est devenu son propre éditeur depuis 2007.
Nej est aussi illustratrice. Les dessins et gravures dans ses recueils sont signés de sa main. 

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