Archive pour la Catégorie '* DI SANGRO Joëlle'

Page 2 sur 2

Réminiscence

Du fond de mon sommeil, des confins de l’enfance
Petits pas, petits bruits, le grand troupeau s’avance
Il monte lentement, au rythme des grelots
Des bêlements plaintifs, comme autant de sanglots 

C’est la nuit, le désert, qui regarde l’errance
De la bête affolée en quête du falot
Et ramenée au sein multiple par les crocs
Du grand chien bondissant, ivre d’obéissance. 

Du fond de mon sommeil, des confins de l’enfance
S’éveille le mystère au cœur de ma Provence
Sa souveraineté déversée par un flot
Où l’âne et ses paniers ne sont plus qu’un îlot. 

Le berger taciturne au regard en partance
Car sans cesse un ailleurs l’avertit d’un complot
Qui, percevant le cri plus souvent que le mot
Redevient un prophète en pays de romance. 

Du fond de mon sommeil, des confins de l’enfance
Monte indiciblement l’intime souvenance…
O ma terre brûlée ! En toi vibre l’écho
Que le vent dérobait au Chant de Giono. 

Bal au château (poème quiz)

Ce soir,  messieurs la Cour va danser sous les masques !
Marquise, en quels apprêts tourbillonnerez-vous ?
Lorsque cascaderont vos rires et vos frasques
Et que vous brûleront tant de regards jaloux ? 

Les grands salons verront comme autant de bourrasques
Tourner à l’infini dentelles et froufrous
Ce soir, messieurs la Cour va danser sous les masques !
Quelle place, Marquise, à l’amour ferez-vous ? 

Ce soir, messieurs la Cour va danser sous les masques !
Il avait déposé son cœur à vos genoux…
Chaque éventail redit ses sourires fantasques
Marquise, à quelle valse enfin,  l’oublierez-vous ? 

Son âme pourfendait chimères et Tarasques
Aurait vaincu le monde et la mer, ses remous
Ce soir, messieurs la Cour va danser sous les masques !
Marquise, en quels apprêts tourbillonnerez-vous ? 

(Dans quel château ce bal a-t-il lieu ?) 

Ex-voto (poème quiz)

Ce name po tojo…l’ex-voto te protège
O sol martyrisé que chaque siècle assiège
Opprimé par la guerre et brimé par le vent
La faim et la misère en sinistre cortège
Posant sur tes vallons un long reflet mouvant…
                                         Ce name po tojo… 

Quel étrange secret, quel poignant sortilège
Fit sombrer ton destin dans l’implacable piège
O Marche de la France…holocauste fervent…
                                        Ce name po tojo… 

Car un tranquille espoir est ton vrai privilège
Avec l’ardente Foi que nul malheur n’abrège
Et qui fait s’iriser chaque soleil levant
Pour graver dans les Cieux cet adage émouvant
Lorsqu’un fragile écho vibrera sur la neige
                                 Ce n’ato me po tojo ! 

             Ma Lorraine…

De quel lieu s’agit-il ? 

Contemplation

J’avais franchi le seuil de la petite église
La porte retombait en faisant un bruit sourd
Un rayon de soleil ornait le demi-jour
D’une poussière d’or qui volait, indécise 

Mon regard se perdait jusqu’à la voûte grise
Et la sérénité de cet humble séjour
Changeait l’Autel de bois revêtu de velours
En un prisme où l’Amour à l’infini, s’irise 

Un faisceau de couleur s’échappa  du vitrail
Et le marbre en reçut la splendeur de l’émail
Car devant l’Eternel s’inclinait la Lumière ! 

Lorsque très lentement se dissipa le charme
De mon cœur ébloui, le flot d’une prière
Porta jusqu’à mes yeux l’écume d’une larme. 

Aimer

A  imer c’est le sourire au secret d’un visage
I   risant chaque jour de sa sérénité
M  ille rêves et mots donnant forme au mirage
E  t faisant naître en nous la soif d’immensité ! 

A  imer, c’est un enfant qui dessine une image
I   mprovisant un monde infini de beauté
M  êlant larmes et rire en un même langage
E  t puisant de ses mains l’eau de la pureté ! 

A  imer c’est avancer sur les sentiers de l’âge
I   sensés d’espérance et de fragilité
M  ais laissant chaque jour tel un léger sillage
E  parse en cet amour toute l’éternité ! 

 

De l’indifférence

A ce propos, Monsieur ! qu’ en est-il de votre âme ?
Comment ce pourrait-il que la mienne s’enflamme
Trouvant au fil des mots tant de rêve et d’émoi
Et que vous paraissiez si lointain devant moi ? 

L’amour vous est un jeu ! vous charmez sans vous rendre
Et bien folle serait qui s’y laisserait prendre !
D’un félin vous avez ce penchant carnassier
Et mêlez la tendresse à l’éclat de l’ acier . 

Mais je sus m’amuser de cette passion
Vous confondre au réel puis à l’illusion
Et sereine je vis sous mon regard vainqueur
Se perdre dans vos yeux, le fond de votre cœur ! 

Annelys

Il rêvait d’une Dame en un songe abîmée
Dérobant la lumière aux couleurs d’un vitrail
Pour orner de carmin sa lèvre de corail
Et velouter de rose un profil de camée. 

Une apparition par l’aurore embaumée
Brillant dans la clarté de ce faisceau d’émail
Et protégeant les plis neigeux de son camail
Des caresses du vent qui l’aurait trop aimée. 

Il a cherché si loin sur son noir palefroi
Tant fait virevolter de sa cape l’orfroi
Alors que tu t’ouvrais lentement  à la vie… 

Il sema sous tes pas une gerbe de lys
Et puis offrant à Dieu son âme inassouvie
Il emporta l’écho de ton nom, Annelys. 

La raison

Le sort entrelaçant les méandres du rêve
Distend le fil des jours en des chapes de plomb
Et la minute ploie où la seconde brève
Nimberait le recel d’une extase en surplomb. 

Il eut fallu marcher plus loin que la lisière
Chaque pas s’ébrouant aux fontaines des mots
La constellation de leurs êtres jumeaux
Divisa l’espérance et la sente phrasière. 

Alors sont advenus le verbe puis la force
Et le chant dédoublé monta tendre et puissant
Comme un sublime azur vibrant d’éther s’efforce
De sacrer d’infini le matin renaissant 

Par le sang qui mûrit les projets de la terre
La peine se nouant aux gorges des regrets
La passion jaillit des gouffres du secret
Comme le grain se meurt et renaît au mystère. 

 

Poème libre

L’ Amour existe ,
Aux confins de mes rêves
A l’horizon léger
Et lumineux,
De ma nostalgie
Là où l’infini m’effleure
Où je puis, de mon âme
Un instant l’atteindre
Et m’y confondre
En une plénitude éphémère. 

Dérive

C’était…comme un hasard qui mènerait la route
Comme un reste d’ennui volant sur l’horizon
Où l’espoir vacillant qu’emprisonne le doute
Vainement briserait le joug de la raison. 

Soudain, cette éclaircie, le regard incrédule
Quand le chaos bascule un monde en l’occultant
Et magistral le sort inscrit une virgule
Paraphant le destin sur la phrase du temps. 

Le rêve passe-t-il ? sommes nous de passage ?
Comme un amour laissé quelque part en amont
Souvenance effrangée à l’écueil d’un nuage
Dans les flots de tes cieux,Monestier de Clermont. 

Comptine

Nous n’irons plus au bois, la forêt a brûlé
J’aimais tant les sentiers, la mûre, l’aubépine
Dans les cendres mon cœur a longtemps appelé
Mon enfance perdue à l’odeur de résine. 

Nous n’irons plus au bois car la forêt succombe
Un  nuage à ce jour est plus que menaçant
La pluie est un acide incisif et puissant
Nous n’irons plus au bois tout arbre est une tombe. 

Le pays de Merlin s’endort dans la rumeur
Et le poison sournois qu’exhale chaque ville
Le progrès qui tue l’homme est à l’homme servile
Nous n’irons plus au bois, car le cèdre se meurt. 

Le flocon d’argent

contedenoeldejoelle.jpg

Conversation

Vous ne conceviez pas un Dieu qui nous gouverne
Une entité sublime au Vouloir tout puissant.
Au seuil de l’univers il n’est rien qu’un Absent
Disiez-vous ! inspiré par le penser moderne. 

Et puis ! s’ il existait ( et cela me consterne )
Croyez-vous qu’envers l’homme un si pauvre passant
Il garde un sentiment qui soit compatissant ?
C’est pour l’Indifférent qu’alors on se prosterne ! 

Vous me parliez d’un monde érigé par hasard
Où ne règne jamais qu’un temporel César
Que son orgueil oppose à l’humaine détresse. 

Mais je vis s’allumer dans un éclat très doux
Votre regard si clair tout baigné de tendresse
Quand je vous dis : «  l’Amour, quel nom lui donnez-vous ? »
    

                                  ( extrait de «  le rire des masques ») 

Il disait…

Quand partiront les hirondelles…
Nous rencontrerons, ma mie, amionnette 
Notre regard dira : c’est toi que j’attendais
Toi que j’ai tant cherchée en l’étrange planète
Où le froid de l’ennui toujours me répondait.

Quand partiront les hirondelles…

Que d’amour nous vivrons, ma mie, amionnette 
Notre âme nous dira : voici, je me cherchais
Je sais que le bonheur telle une devinette
En attendant d’éclore en nos cœurs, se cachait !

Quand partiront les hirondelles…

Je m’en irai très loin, ma mie, amionnette…
A leur retour j’aurai disparu pour jamais
Mais le vent qui connaît ma tendre chansonnette
Saura bien te redire ô combien je t’aimais…

                             ( extrait d’ «  ANNELYS » ) 

Joëlle Di Sangro

photodejoelle.jpg
Joëlle di SANGRO , membre de la Délégation de Lorraine depuis 1979, a obtenu le Grand Prix des Poètes Lorrains en 1989 pour son recueil intitulé: »Le rire des masques ».
Nommée en 1990 déléguée départementale de Meurthe et Moselle, elle crée à Lunéville, le Cercle Littéraire de GRAFFIGNY et décerne les premiers prix Littéraires portant le nom de Poètes Lunévillois afin de célébrer leur mémoire.
En 1993,Jean Claude GEORGE étant appelé à la Présidence de la Société des Poètes et Artistes de France, lui confie la direction de la Délégation de Lorraine (organisation du Grand Prix des Poètes Lorrains, édition du recueil du lauréat, contact avec les Municipalités,organisation des remises de prix)
Pour l’an 2000, elle organise,à Fontenoy le Château village de l’écrit, le Congrès National de la S P A F recevant les poètes de la francophonie.
En 2002, désirant gratifier les grands prix des poètes lorrains( désormais hors concours) d’un challenge à leur mesure, elle créée l’Alérion d’Or « GRAND PRIX des GRANDS PRIX » qui devient en Lorraine alors le MASTER de la POESIE ».
Nommée membre du Conseil d’Administration de la S P A F, elle assume la responsabilité de Déléguée Régionale de Lorraine jusqu’en Décembre 2008, date à laquelle elle transmet le flambeau à Armand BEMER. Elle est nommée Déléguée Régionale Honoraire de la  S P A F par le président Vincent VIGILANT en Avril 2009.
Joëlle di SANGRO est Membre Agrégé de la Société des Poètes et Artistes de France,  Sociétaire des Poètes Français et de l’Académie de la Poésie Française.
Elle est l’auteur de plusieurs ouvrages:
« Comme un trèfle à quatre feuilles »( 1979)
« Le rire des masques » (1989,Grand Prix des Poètes Lorrains)
 » Rivage » (1983)
 » Annelys »(1985)
« Le rêve aux portes d’or »(2004, prix du roman régional,Prix nationaux de la SPAF, 2006)
A collaboré à différentes anthologies et diverses revues dont, bien évidement, « ART et POESIE »

Le flocon d’argent

La nuit tombait sur Décembre et les vitrines répandaient leur halo lumineux sur le trottoir où les passants se hâtaient.
Elle n’attendait plus rien, assise sur le bord des marches devant une boutique,un grand sac posé auprès d’elle.
Ses cheveux d’un gris sale, son vieux manteau élimé, et jusqu’à cette manière de se tenir voûtée, comme totalement immergée en elle même, recentrée sur sa misère… (on dit :  « précarité »…) les passants se faisaient plus rares, c’était l’heure qu’elle redoutait le plus , l’heure  où l’on ressent plus profondément la différence…chacun se presse , pour retrouver l’intimité d’un foyer , le confort , même minimal d’un chez-soi …et la chaleur ! la chaleur qui ; elle le sait , va dans  un trop court moment  , lui faire cruellement , insidieusement défaut…
Sa vie s’est figée sur cette séquence pitoyable, et plus aucun recourt ne lui est possible pour « repasser le film à l’envers » et comme elle le voudrait tant, prendre un chemin de traverse.
Elle en est là de ses pensées lorsque la porte d’un restaurant voisin s’ouvre pour laisser passer ,dans le brouhaha des conversations un groupe de personnes ne lui prêtant pas la moindre attention ….ce qui , d’ailleurs , lui apporte un étrange sentiment de soulagement et la voit s’enfoncer un peu plus dans l’ombre ; lorsque le dernier des convives s’arrête devant elle, lui tendant une pièce de monnaie.
Interdite elle lève les yeux et, stupéfaite, a beaucoup de peine à contenir son émotion…Dans son esprit le temps défile et sa mémoire la ramène aux jours de sa jeunesse, quelques trente années plus tôt…
Alors, les jours étaient pleins de soleil ! Sa jeunesse, sa beauté lui étaient éternels tout comme l’insouciance dans laquelle baignaient ses jours. Tellement heureuse, si vive, si sure d’elle que tout lui souriait !
C’était le temps doré où elle l’admirait tant, lui, si plein de vie et de talent, débordant de joie de vivre et pressentant obscurément que le cours de sa destinée s’inscrirait en lettres d’or !
Elle suivait avec passion chaque étape de la légende qu’elle voyait s’écrire avec émerveillement,mais répugnait à se comporter en « groupie », quémandant des autographes et des photos .
Pourtant, un jour,elle s’était enhardie jusqu’à faire un geste qu’il avait aimé puisqu’un bref sourire s’était inscrit dans ses yeux à son départ…
Voila ce qu’étaient ses pensées, à la vitesse où l’on voit,  lorsque l’on joue sa vie, celle-ci défiler devant soi.
Alors, prenant la main que l’on venait de lui tendre,elle dit :
___Merci ! Vous savez, je suis un peu sorcière…laissez-moi regarder les lignes de votre main.
Amusé, il lui abandonna sa main qu’elle prit en tremblant…et sans lever des yeux pleins de larmes,elle dit d’une voix qu’elle sut rendre anodine :
___Il y a trente ans, une jeune femme vous donna un flocon d’argent. Un flocon  monté en breloque.
et elle entendit, bouleversée,cette réponse :
___Je l’ai toujours !
Perplexe,il regarda cette femme voûtée,qui n’osait croiser son regard…le temps pressait,ses amis s’étaient éloignés : il hâta le pas et disparut dans la nuit.
Elle,lentement, leva les yeux : le ciel était plein d’étoiles…et il ne ferait pas si froid cette nuit !
Voyant quelques passants arriver à quelques pas d’elle, elle prit dans son sac son portefeuille vide et, l’appliquant à son oreille , s’engagea dans une conversation animée, laissant croire qu’elle attendait avec impatience que l’on vienne la chercher.

Joëlle di SANGRO

12



alfalsafa |
NIDISH EDITIONS : Contes - ... |
La Moire d'Ohrid |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Elle-Emoi
| Poèmes, Amour et Société
| Ned La Desosseuse