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Archive pour la Catégorie '* CARL Jean-Joseph'
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Du poète, quand il mourra,
Il ne restera presque rien sur la terre :
Quelques poèmes
– Merveilles, mystères –
Que les saisons jauniront,
Les gaz échappés de son corps
Qui planeront sous l’astre d’or
En réchauffant la planète,
Et ses cendres, oui,
Sur le gazon d’un jardin,
Des cendres de poète.
Cinq ou six décennies plus tard,
Nul, pas même un vieillard,
Ne se souviendra du poète,
Et ça n’aura, pour lui, pour ses quatrains,
Pas d’importance.
Comment n’être pas chagrin
Quand on y pense ?
À Fernande, Émile, Gilberte,
Josy et Josiane ;
en souvenir de François aussi
La voilà démolie par l’œuvre
D’une infernale pelle mécanique,
Aplanie
Comme un banal tas de pierres,
Cette maison natale, unique et attachante,
Vieille maison d’enfance, lourde et carrée,
Où les parents ont livré leur amour.
On sentait si fort leur présence
Dans les vieux murs de leur maison,
Ces gros murs tout imprégnés de leur odeur,
De leur foi, de leurs voix,
Des chaleurs et des parfums de leur fourneau.
Et ces murs, encore tout remplis d’eux,
Se sont effondrés, fracassés ;
Et leur présence fidèle vient d’être emportée,
Là, avec les pierres éclatées,
Dans les bennes-poubelles des camions.
On sentait tellement leurs âmes,
Partout, dans le bois, le plâtre et le grès,
Et maintenant, dans ce fracas funeste,
Elles sont parties,
Légères,
Dans l’élan de la poussière des gravats,
Dans le vent, pour s’évanouir, célestes
Comme la fumée et la cendre
D’un encens brûlé en souvenir.
Et sûrement, désormais, qu’elles errent,
Indiscernables,
Tout autour, leurs âmes, sans repère,
Qu’elles n’ont plus où se poser,
Les jours aimables,
Que le cœur des enfants nés
Dans leur demeure envolée.
Le sang pourpre et visqueux
Avait séché aux blessures
Des soldats étendus.
Les hommes, les choses,
Tout était perdu, mort…
Mort depuis bien deux jours,
Tout autour.
Dans l’épaisse désolation
Seuls les vents vivaient,
Et portaient le sable
Aux flancs inertes des gisants,
Sur des pans de treillis claquant
Comme des étendards déchus.
Le soleil du jour naissant
Donnait sur la poussière aride
Prise dans les cils
Des yeux béants et vides.
Nous étions venus,
Dans nos désarrois,
Relever les corps.
Les maisons sont toujours là,
De part et d’autre,
Frileuses, qui se serrent
Dans la rue de mon enfance,
Depuis l’église austère
Jusqu’à la rue de Niedervisse ;
Je connais bien leur vie.
Peuplées, dépeuplées,
Certaines un peu décrépies
Qui n’hébergeaient plus, parfois,
Qu’une femme en noir :
Intimes refuges, ultimes matrices
Avant l’infâme de la tombe.
Peuplées, dépeuplées
Et puis, débarrassées, transformées,
Façades remaniées, recrépies,
Portes de grange en portes de garage
Et repeuplées ainsi
De jeunes gens et d’Allemands
Dedans ces univers volages
Où les hôtes viennent et vont.
Les maisons sont toujours là,
Parcelles de poésie vivaces
Dans ma rue d’autrefois,
Mais les enfants qui, comme moi,
Tenaient pour vrai les enchantements,
Les fables et les fantômes,
Ces enfants là, n’y jouent plus.
À ma tante Clémence,
Sœur Anne-Gabrielle
de la Divine Providence
Libre, disait-elle, elle voulait être libre,
Sœur Anne-Gabrielle,
Libre de croire de toutes ses fibres,
Dans ce délicieux brouillard,
Et se laisser prendre au filet de Dieu.
Soumise en apparence,
La religieuse de la Divine Providence,
Dans son habit de renoncement, long et noir.
Sur sa poitrine, la croix de bois primitive
Et, sous son voile, caché certainement,
Le cheveu court et rare des captives.
Aux vœux de sa flamme printanière,
Fidèle à perpétuité, l’octogénaire ;
L’obéissance et la pauvreté,
L’obéissance et la chasteté.
L’alliance au doigt,
L’épouse la meilleure, toujours,
Parmi tant d’autres épouses du Seigneur.
Oh ! la crainte du péché, le souci du salut,
Les devoirs sacrés toujours, les vertus,
Et l’obéissance encore aux mères supérieures,
L’obéissance, celle qui pèse, qui pesait,
Mais l’exigence suprême qui s’imposait.
Jamais ne revinrent les ailes blanches de l’enfance,
Jamais ni voluptés ni plaisir des sens,
Jamais de gaietés, de danses excessives,
Et jamais, non, jamais de croisières incertaines.
Rien que l’Éternel, et les couleurs du ciel
Par la fenêtre de la chambre mansardée,
Le vol des oiseaux et des feuilles d’automne,
Comme des confidences divines.
C’était sa vie, l’île qu’elle avait choisie
Dans sa certitude quêtant l’absolu ;
C’était son étrange liberté.
Et pour la lui avoir offerte,
Dieu, sûrement, l’a bien récompensée.
Me surprennent ces vagues de tristesse,
À mesure que passent les saisons,
Pareilles aux nuées que je vois,
Sordides,
Sorties de ces cheminées gigantesques
Qui les vomissent au ciel bas
Et bâtissent l’horizon ras.
Je voudrais, dans la plaine, créer le vent,
Le diriger vers l’Orient,
Qu’il frôle les herbes allongées des steppes
Jusqu’au Pacifique,
Le faire chanter,
Le vent,
Pour dissiper ces nuages tenaces,
Pour les pousser là-bas,
Sur l’océan mirifique, là-bas,
Et purifier ici l’espace en un instant…
Mais non.
Je ris d’un rire insensé,
Je joue à dormir dans la terre déjà,
À partir sur la mer de mystère
Sans lumières
Et sans lune.
Mais où sont les averses des printemps,
Les tourbillons où je me suis égaré ?
Ah ! je ris d’un rire insensé,
Voyant ces vagues de tristesse
Autour de moi qui s’empressent.
Force fécondante à la charrue attelée,
Le puissant cheval avançait, devant,
Lentement, lourdement, le pas martelé,
Tirant de longs sillons rectilignes et frais.
Les mains solides sur les mancherons, derrière,
Caressant la bride,
Grand-père guidait son percheron
Et, biceps bandés,
Fendait le sein de la terre,
Enfonçant dans la glèbe le fer.
Le tranchant du soc ouvrait le sol vivant
Où le vieil homme déposait des graines de sueur
Comme des gamètes, des perles fertiles.
Quelque fois, il titubait un peu,
Comme enivré par l’odeur intense
De la terre enfantée.
Là-bas, vers le bout du champ,
Je le revois encore, ce roi de la terre,
Marchant pareil au phénix,
Le versoir clair de son brabant
Reflétant au hasard des éclairs de soleil.
L’acte sacré terminé, le regard fixe,
Debout, face au labour,
Il respirait, un temps, profondément.
Puis il s’avançait,
Se penchait vers la terre sombre et grasse
Et me disait :
« Regarde, petit, comme elle reluit, la terre,
On dirait une couenne de lard sous la lumière. »
Il avait un air de vainqueur, mon grand-père ;
Moi, j’étais émerveillé, et je crois que je l’aimais.
Avec ces bruyères et ces jolies fleurs,
Avec aux arbres autour, une fois encore,
Ces feuilles d’or en décrépitude qui meurent,
Elle avance,
Elle avance un peu plus sombre,
Chaque premier novembre, avec certitude,
La mort.
Tous ces gens debout devant les tombes, alors,
Graves et raides, ces vieux
Aux longues barbes, aux blancs cheveux,
Engourdis dans leurs beaux habits,
Terreux, comme s’ils venaient d’en sortir,
Des tombes,
Et ces autres, priant et pleurant,
Comme s’ils s’apprêtaient à y entrer,
Sur le seuil de la nuit, le cœur déjà mourant.
Destins fragiles et mortels
Subodorés auprès des stèles
Où reposent les dépouilles des pères,
En tout, n’ayant passé que quelques décennies
Sur l’éternelle terre.
Les gens voient les ombres de ces pères,
Les pères qu’ils ont aimés,
Leurs ombres qui se meuvent sur la pierre ;
Ils distinguent leurs visages surgis du passé,
Ils voient l’infâme, ils voient l’éphémère,
Et, d’un coup, les voilà prêts, le jour même,
À rendre leur âme, comme çà,
Là, dans les effluves des chrysanthèmes.
Oh ! elle avance un peu plus sombre,
Chaque premier novembre, avec certitude,
La mort.
Un cheval luisant léger trottait,
Traînant un sulky de long en large.
Un chien noir, comme un lévrier,
S’était lancé derrière des sternes affolées.
Quelques chars à voile de l’École du vent
Progressaient à grand peine si lentement.
Et puis, là-bas, soudain, dans les dunes,
Telle une vierge apparue,
Une belle mariée en robe d’ivoire
Posait, irréelle et docile,
Pour un photographe virevoltant.
À deux pas de l’épave d’un blockhaus,
Un vétéran texan au parler malsonnant
Refaisait pour six touristes
Le débarquement de juin quarante quatre,
Dessinant la bataille en pointillé,
Du bout de sa canne, sur le sable mouillé.
Je marchais presque seul sur Omaha Beach
Dans la lumière vibrante et les miroirs
D’un ciel incessamment en mouvement.
Sur le sommet du talus d’intense verdure
Flottait la bannière américaine
Par-dessus le cimetière militaire
Où s’alignent impeccablement et à jamais
Des milliers de croix blanches.
Les ombres de ces lieux hantent encore la plage :
Des fantômes kaki d’à peine vingt ans
Qui étaient venus, pourtant, mourir ici.