Archive pour la Catégorie 'Anecdotes'

Mot d’enfant

Nous avons eu comme beaucoup de grands parents, le bonheur de recevoir  les « jeunes générations » durant les vacances de Pâques. 

Ce ne fut que chahuts cris et franches rigolades (avec bien sûr quelques chamailleries assez Homériques), comme le matin où, me levant, je trouvai mon petit-fils assis sur son lit, la tête dans les mains. 

Comme je lui demandai s’il avait bien dormi, il me répondit : 

-J’en ai marre ! elle a pas arrêté de parler toute la nuit ! 

(Allusion à sa sœur cadette qui s’esclaffait dans la salle à manger). Interrogeant  cette dernière à ce sujet, je reçus la réponse suivante : 

-C’est même pas vrai ! J’ai juste parlé un peu ce matin parce que j’avais mal au g’nou ! Mais c’est normal, parce que j’ai attrapé la croissance ! 

-Ah bon ! ai-  je répondu et quand est-ce que tu comptes la relâcher ? 

- Pourquoi ?ça se relâche ? Dit-elle étonnée. 

Et son frère qui  nous rejoignait de lui asséner : 

-Ca serait bien que tu me relâche moi, avant que la croissance te laisse tomber ! 

 

Les appâts

    A  cette époque, mon père considérant que son métier était très sédentaire, avait pris l’habitude de « s’aérer » un peu chaque semaine en allant à la pêche. 

Nous partions à St Julien du Verdon dont la réputation du lac, superbe, n’est plus à faire. 

    Je passais la journée à courir partout, gambader sur les sentes qui, presque toutes menaient directement à la rive et l’ eau profonde dès les premiers mètres. 

L’eau claire, transparente, permettait de voir les truites frétiller tout près !…au point que, fascinée, je plongeais la main, croyant les saisir. C’est d’ailleurs ainsi que j’ai failli filer au jus à plusieurs reprises, retenue par…Je ne sais quoi !(la chance, sans doute). 

    Mon père était un curieux pêcheur : il disposant d’une dizaine de cannes soigneusement rangées dans un luxueux étui, d’une épuisette, d’une boîte spéciale pour mettre le poisson, bref : de tout l’attirail du parfait pêcheur, sauf qu’il ne ramenait jamais que trois ou quatre ablettes, plus pathétique l’une que l’autre, (si bien qu’il les remettait parfois à l’eau avant de repartir !) 

    Cependant, comme tout  pêcheur qui se respecte, il recherchait les meilleurs appats. C’était généralement les vers de terre qui gigotaient au bout de sa ligne, mais un jour, son « voisin de rive » lui confia qu’un de ses amis du village avait de bien meilleurs appats qu’il vendait pour quelques sous. 

    Mon père me donna quelques pièces et m’envoya au village tout près. J’ai un peu cherché la maison au détour d’une ruelle. Tout était calme et presque alangui en cette matinée d’été. M’approchant du seuil, j’ai tiré sur la corde qui actionnait une petite cloche. Un son léger se fit entendre, puis, j’entendis une sorte de toux grasse, avant qu’un vague grognement me fasse comprendre que je pouvais entrer. 

     Un petit corridor me conduisit à une minuscule pièce où, près d’une petite fenêtre, se tenait, sur un tabouret, un homme énorme. L’odeur émanant de l’endroit me donnait envie de repartir en courant, mais, consciente de ma « mission », j’ai poliment salué le personnage et lui ai dit la raison de ma venue. 

     L’homme me regardait d’un air vague en mastiquant consciencieusement et, brusquement, cracha une grosse boule marron dans un seau, à côté de lui. Effarée, je le vis se tourner, sans même se lever, vers un autre seau et prendre de pleines cuillérées de gros vers blancs qui grouillaient, qui grouillaient !…Il les fourra dans un sac en papier, prit les piécettes que je lui remis, et j’ai détalé le plus vite possible ! 

     Pendant deux jours, ma mère se demanda pourquoi je ne mangeais pas à table et faillit me conduire chez le docteur. Puis, un après midi, mon amie Aline, petite parisienne fraîchement arrivée en Provence me dit : 

—-J’ai d’mandé à mon grand-frère ! y m’a dit que les gens qui crachent des boules marron mangent du tabac ! Ca s’appelle une chique ! y paraît même qu’ y en a d’autres qui s’en fourrent dans l’nez ! 

     Mon père n’a jamais compris que je ne veuille plus retourner chez le marchand d’appats…D’autant que les gros vers blancs n’avaient pas attiré davantage d’ablettes que les malheureux vers de terre sacrifiés au supplice de l’ hameçon . 

Féminitude

      Un coiffeur de mes amis m’a conté ceci : Il vit un jour entrer dans son salon deux jeunes femmes, manifestement très amies, qui demandèrent à voir de ces albums sur lesquels figurent des photos de coiffures qui permettent aux clientes de se choisir une nouvelle tête. 

      Ces dames s’installèrent et commencèrent à feuilleter longuement les albums, échangeant leurs impressions avant que l’un d’elles se décide pour un modèle. 

Schampooing, installation à la tablette, et la copine qui regarde dans la glace le début de la transformation. 

      Peu à peu, mon collègue s’aperçoit d’un manège : La copine, dans son dos, n’arrête pas de faire des grimaces à la cliente pour lui faire comprendre que la coupe de cheveux n’est pas bien, que ce n’est pas terrible, bref : que ça ne va pas. Assez contrarié, car il pense faire ce qu’il faut pour satisfaire sa cliente, il continue cependant son travail, le présente dans une petite glace à sa cliente qui est satisfaite, paie et s’en va. 

      Mais il vit, à sa grande surprise, revenir dès le lendemain ladite cliente qui, diplomatiquement lui expliqua qu’on ne l’avait pas trouvée bien coiffée et qu’elle désirait choisir autre chose…embarrassé, mon collègue exécuta une autre coupe à la jeune femme et ne lui compta en un geste commercial qu’une partie du travail, puisqu’elle était venue la veille à peine. 

      Croyant en avoir fini avec cette mésaventure, qu’elle ne fut pas sa surprise de voir, deux jours après, arriver la « copine » qui lui déclara tout de go : 

—-Vous vous souvenez de moi ? Je suis venue avec une amie il y a peu. Vous lui avez fait une coupe qui ne lui allait pas du tout : d’ailleurs elle est venue en changer. Mais je veux que vous me la fassiez car je suis sûre qu’elle est faite pour moi ! 

Hardipetiote Du Mors aux Dents

Au début de la campagne de chasse 1993-1994, ils n’étaient que quatre teckels à poil long  à l’élevage « Du Mors aux Dents » : Farandole, Furibonde, Hélice et Hardipetiote, la plus jeune….
J’aimais bien cette dernière pour plusieurs motifs…. Tout d’abord, les conditions de sa naissance : ce fut le seul chiot de la portée et il fallut deux heures d’une mise-bas difficile, par le siège, pour qu’elle advienne à la vie…. A l’âge d’un an, elle était devenue une jolie chienne, d’un rouge pur, homozygote pour la robe c’était sûr…. J’avais fait 3000kms aller-retour pour faire saillir sa mère au fin fond de l’Allemagne de l’Est avec un mâle dont tous les ascendants réunissaient les principales qualités de beauté et de travail…. Hardipetiote avait une très belle tête, belle encolure, un dos extra, des aplombs impeccables et une « pêche » d’enfer….. De plus, elle avait cette manière rare de sourire de certains teckels, tout particulièrement de ceux de mon élevage ; pour manifester sa bonne humeur elle venait vers vous en remuant de la queue et du croupion et retroussait le chanfrein et les babines dans un magnifique sourire laissant apparaitre une double rangée de crocs étincelants et bien plantés…. 

Tout sa mère et sa grand-mère….
Deux ou trois entrainements au terrier sur renards, j’étais à l’époque maitre d’équipage de vénerie sous terre, l’avait particulièrement intéressée et elle venait tout juste, en ce mois de décembre 1993 de se déclarer sur le chevreuil en une magnifique menée à voix, sans voir l’animal de chasse…. Quel plaisir d’entendre sa voix stridente au milieu de l’enceinte…. Quand les origines sont là, les aptitudes naturelles sont présentes, pourvu qu’on les maintiennent, et c’est là tout le travail et le talent de l’éleveur…. 
La semaine suivante, un des rares dimanches où je ne chassais pas au bois, j’emmenais Hardipetiote et sa mère faire un tour en plaine aux alentours de chez moi…. J’arrêtais le 4×4 sur un chemin de terre, pris le 12 et découplais les chiens…  Les deux chiennes partirent aussitôt, nez au vent, de toute la vitesse de leurs pattes et de leurs dos, dans la direction opposée à celle où j’escomptais me diriger…. Le vent, malgré tout léger, était en sens contraire et je n’avais pas eu le temps de m’en rendre compte…. Je sortis ma trompe de battue et sonnais l’appel des chiens…. Furibonde, habituée, rompit aussitôt et reprit son pied, mais Hardipetiote, jeune et fougueuse, continua sur sa lancée…. La route départementale était loin, plus d’un kilomètre, mais déjà je ne voyais plus la chienne en plaine et m’inquiétais…. Ni une ni deux, je jetais Furibonde et le 12 dans le coffre, sautais dans le 4×4 et m’élançais à la poursuite de mon chien…. Lorsque j’arrivais à la route départementale, 2 minutes après, il était trop tard…. Hardipetiote gisait au milieu du macadam…. Pas une goutte de sang, pas une trace, pas une blessure mais elle avait cessé de vivre…. Un voiture roulant à grande vitesse l’avait « tapée »….
Je ne ferai pas de commentaire, ceux qui ont connu des moments analogues comprennent….
Je l’ai enterrée dans le jardin, auprès de sa grand-mère qui nous avait quittés l’année précédente à l’âge de 17 ans….
Voilà, c’était quelques lignes en souvenir de « Hardipetiote du Mors aux Dents », petite teckel à poil long d’un peu plus d’un an, de grandes origines, pleine de promesses et trop vite partie….
Quant aux occupants de la voiture qui n’ont pas daigné s’arrêter après avoir écrasé un chien portant collier et clochette, je leur dédie ces trois petits vers de Georges Brassens, mon maitre à chanter :
« Que leur auto
« Bute presto
« Dans un poteau »….
boarettomorsauxdents.jpg

La loi de la nature

La neige tombe, les frimas sont de retour. La nature est comme recueillie et pour animer le silence, nous jetons des graines tout autour de la maison et sur le « balcon » d’une petite maisonnette en bois prévue à cet effet, recevant ainsi la visite de tout un monde ailé, sautillant et voletant tout près de nous. 

 

Les merles ne nous craignent même plus et viennent nous narguer, tout près, si près, ne bougeant pas, même lorsqu’ils nous voient évoluer tout contre les portes fenêtres et peu à peu tout un petit monde de mésanges, de moineaux bien sur de rouges-gorges, un couple de tourterelles et même quelques geais ont fait leur apparition. 

Quelques pies et deux ou trois corbeaux montent la garde alentour et viennent de temps en temps semer la terreur, mais pour peu de temps. 

Notre grand plaisir est, à tout moment, de pouvoir jeter un coup d’œil et les voir s’ébattre et picorer et c’était bien ce à quoi je m’employais en ce début d’après midi en rangeant, dans ma cuisine, les achats que je venais de rapporter. 

 

Mon attention fut attirée par un oiseau qui, presque de dos, picorait avec ardeur et que je n’avais encore jamais vu. Pas très gros, mais tout de même de la taille d’un beau geai, bien que son plumage ne ressemble en rien à celui de cet oiseau. 

 

Intriguée, j’ai appelé mon mati pour qu’il admire ce spécimen puis j’ai continué mon rangement pour, quelques instants après l’entendre me dire : 

 

—Tu as vu ce qu’il fait, ton oiseau ?   Et  devant ma réponse négative : 

—Il est en train de massacrer une mésange ! 

 

Je me suis précipitée derrière la vitre pour…voir les derniers soubresauts de la petite victime que le jeune rapace, (j’avais compris), venait d’achever à coups de becs. 

 

Et mon mari restait là, fasciné par le spectacle !… 

 

—Comment peux-tu regarder cela ? puis , tout aussitôt : 

—Il faut le chasser ! et mon mari, l’esprit pratique de me répondre ! 

—Non, il vaut mieux le laisser tout «  nettoyer » ! 

 

Le «  nettoyage » dura bien trois quart d’heure…avec un acharnement qui n’avait sans doute d’égal que la faim du prédateur…et j’étais pour ma part allée me réfugier à l’autre bout de la maison, ne revenant prés de cette fenêtre qu’après que mon mari, ayant fermé les volets soit venu me dire : 

 

—J’ai donné un coup de balais ! c’ était mieux de faire ainsi , il ne restait que quelques plumes ! 

 

(Je ne regarde plus les oiseaux ces jours-ci, bien que mon mari continue à leurs jeter des graines. L’oiseau n’est plus revenu, (du moins pour l’instant) mais j’en veux moins aux chats des voisins qui viennent roder près des buissons, assouvissant là leur instinct !) 

Petit jeu de patience

Passant les fêtes de Noël en Provence, nous étions en voiture accompagnés par les deux aînés de nos petits enfants. 

 Mattéo et Appoline ont, au début, fait preuve d’enthousiasme et les kilomètres défilaient gaiement mais, au fil des heures, cela devint un peu plus difficile malgré les arrêts nécessaires. 

Au bout d’un long moment de silence plein d’ennui, j’entendis la petite voix d’Appoline me déclarer : 

—J’ai mal au ventre ! 

Inquiète, j’ai répondu vivement : 

—As-tu très mal ? 

Et la petite de me dire : 

—Oui, un peu !  tout le monde a eu mal au ventre à la maison !  Et Mattéo de renchérir : 

—On a mangé de la raclette ! Appoline terminant par : 

—On a fait du caca tout mou ! 

Amusée par le « terme », j’ai décidé d’animer le voyage et dit aux enfants : 

—On va trouver des phrases pour en faire une chanson !Et j’ai commencé : 

— « Un jour on a mangé chez-nous » et dit aux petits : 

Trouvez la suite les enfants ! et, les aidant un peu :  

—«  une raclette en pâte à choux » Allez ! on cherche des mots en « ou » ! 

—« Qui nous a laissés sur les g’noux » ! Allez ! Ensuite les enfants ! 

—« Et des toilettes en voyait l’trou ! » 

—« On s’était pas marré du tout» ! 

—«  Et depuis j’ai le ventre mou » ! Termina  Appoline en riant. 

Nous avons ensuite passé un long moment à chercher un air pour mettre la »chanson » en musique, (ce qui nous a occupé un bon moment) puis nous avons répété et, le soir venu, nous avons (par précaution) attendu la fin du repas pour, en chœur, chanter « notre chanson » à la famille réunie, dans un bel éclat de rire. 

Mais ce qui m’a ravie, ce fut d’entendre mes deux petits me dire : 

—Mamie ! c’est trop marrant quand les phases finissent toujours par le même mot ! 

Sans doute voulaient-ils dire : 

—« Par le même son », mais je leur expliquerai plus tard que cela s’appelle des rimes et suis heureuse de leur en avoir donné le goût. 

 

La bûche

Cette année-là, nous étions invités pour Noël chez un cousin et nous avions proposé d’apporter le dessert. Chez le pâtissier, nous avions opté pour la traditionnelle bûche, de taille imposante car nous serions une quinzaine de convives à table, dont une majorité de jeunes gens qui ne feraient pas l’impasse sur le dessert, même après les huîtres, les escargots, la dinde, la salade et le fromage ou quels que soient les mets choisis par la cousine. J’avais proposé de récupérer la bûche commandée en rentrant du bureau tandis que Monique se chargeait des achats de dernière minute.
Le soir du réveillon, nous entassâmes tous les cadeaux dans le coffre, après un contrôle rigoureux pour s’assurer que nous n’avions oublié aucun membre de la famille. Il commença à neiger, pour le plus grand plaisir de mon fils. Monique se mit au volant ; elle conduisait prudemment et je me sentis glisser dans le sommeil. Je ne luttai pas ; le trajet d’une heure allait durer plus longtemps à cause des intempéries.
À notre arrivée, on nous aida à tout décharger puis on passa à table.
L’apéritif battait son plein. Les plats chargés de cakes salés circulaient de main en main et l’alcool déliait les langues. Chacun racontait pour soi-même ses déboires professionnels, ses exploits sportifs, ses expériences associatives ; personne n’écoutait mais tous contribuaient au brouhaha assourdissant qui régnait dans la salle à manger.
On passa à table et les mets se succédèrent : foie gras, saumon fumé, huîtres, escargots et dinde, le tout arrosé des meilleurs vins de la cave du cousin. Durant quelques secondes, je pensai aux réveillons de mon enfance : brioche et chocolat chaud…
Un trou normand donna l’occasion d’une pause et j’en profitai pour approcher les cadeaux de la table. La distribution commença sous les cris enthousiastes des enfants énervés par la fatigue et l’attente. La cousine alla chercher le plateau de fromages et la salade.
Puis les minutes s’écoulèrent et s’étirèrent et je me demandais ce qu’ils attendaient pour apporter la bûche…
– Miséricorde ! m’exclamai-je, la bûche !
J’avais oublié de passer à la pâtisserie. 

Noël d’enfance

Je devais avoir six ou sept ans et je m’étais mis en tête d’aller à la Messe de Minuit. Cela faisait plusieurs jours que je suppliais mes parents de m’y emmener et ceux-ci , privilégiant un réveillon dans l’intimité familiale n’étaient vraiment pas décidés à céder à ce qu’ils considéraient comme un caprice. 

 

Mais je me fis en fin d’après midi, tellement suppliante que mon père, finaud, attendit que la soirée s’avance et vers vingt heures trente, me conduisit jusqu’à l’église pour bien me démontrer qu’aucune lumière n’était allumée et qu’aucune Messe n’était programmée. 

 

Résignée je suis repartie, lui donnant la main mais parvenus à quelques maisons de notre demeure, il se fit sut le toit ce l’une d’entre elles un vrai charivari ! 

 

Effrayée, j’ai levé les yeux et mon père, profitant de l’aubaine, me demanda de hâter le pas…car le Père Noël approchait de chez- nous et il ne convenait pas de le perturber dans sa tournée. 

 

Arrivée à la maison j’ai, bouleversée, expliqué à ma mère ce qui venait de se produire et celle-ci me confirma qu’il avait été bien téméraire d’avoir ainsi prétendu aller à la Messe de Minuit ! 

 

Je n’ai fait aucune difficulté pour aller me coucher bien vite…Et ils ont pu réveillonner paisiblement, avec une pensée de gratitude pour les chats des voisins, en goguette en cette «  Douce Nuit ». 

 

Le pain

En 1914, mon père, âgé de 13 ans, se trouvait à Reims où sa mère s’était réfugiée. Il devait s’occuper de ses deux petites sœurs, sa maman venant de donner naissance à son petit frère dans les caves de l’hôpital et sous les bombardements. 

    Ce jour là, il cherchait désespérément quelque chose à manger et, au coin d’une rue, vit que deux soldats allemands conversaient entre eux, tournant le dos à un charreton de pain recouvert d’une bâche. 

    L’enfant se faufila doucement pour prendre un pain, mais, alors qu’il s’en saisissait, la bâche glissa et il vit terrorisé, le soldat se retourner ! Puis stupéfait, il vit l’homme qui l’avait rapidement regardé, se retourner vers son interlocuteur et continuer à parler, comme si de rien n’était, lui permettant de s’enfuit avec son précieux butin. 

    Mon père, dans sa vieillesse parlait encore de ce fait avec des larmes d’émotion et notre famille à ce récit a toujours eu une pensée émue pour ce Juste. 

Car dans cette «  sale guerre », (en est-il de propres ?…) comme partout, d’ailleurs, la bonté a rayonné dans les deux camps. 

Les mains de l’apprentie

J’avais à l’époque une jeune apprentie vraiment douée pour la coiffure, si bien que je lui confiai très vite les coupes de cheveux d’enfants. Très douce et patiente elle faisait merveille avec les petits. 

   Ce jour là, une petite fille d’environ cinq ans nous avait été amenée par une personne de passage. Une enfant à la frimousse espiègle qui se laissa laver les cheveux sans problème et qui fut installée à la tablette du milieu, c’est-à-dire au centre du salon, les autres tablettes étant toutes occupées par des clientes. 

 

   Notre apprentie commença à effectuer sa coupe, parlant gentiment avec la petite, pour mieux l’apprivoiser, ce que l’on enseigne en général dans la coiffure. 

L’enfant lui répondait gaiement quand soudain, comme la coupe avançant , on arrivait vers le visage elle dit montrant sa tempe : 

— T’as vu ? J’ai un trou, là !  

Puis, montrant l’autre tempe : 

—Et j’en ai un autre là aussi !  La balle, elle est entrée par là et elle est ressortie par là ! 

Et soudain, s’effondrant en sanglots : 

—-Et pis, mon papa ! il est mort ! 

Silence terrible dans le salon !…On ne savait plus comment calmer la petite et les mains de mon apprentie tremblaient tellement que j’ai dû, après avoir donné des bonbons à l’enfant et attendu un moment qu’elle se calme, terminer le travail. 

 

 Après le départ de cette infortunée fillette une cliente nous conta qu’elle avait lu, plusieurs années auparavant un fait dramatique dans la presse. 

Un père de famille avait, dans un acte désespéré, tenté de tuer son enfant puis s’était donné  la mort. 

Un porte-bonheur…

Nous fêtions ce week-end les soixante ans d’une amie. Au moment crucial d’ouvrir les cadeaux, elle hésitait à s’emparer du très gros paquet superbement emballé et scotché par de multiples bandes brunes adhésives.
Lorsqu’elle s’y attela, elle découvrit, parmi de vrais cadeaux comestibles, une multitude de canulars emballés individuellement : vieilles casseroles, clé à molette géante, entonnoir, etc. Et soudain, une merde, une véritable crotte nauséabonde fit son apparition ! Parce qu’on la surnomme la Tata des toutous depuis qu’elle garde des chiens, chacun crut à une mauvaise blague et regardait autour de soi pour découvrir l’indélicat. Notre amie décida d’en rire, un peu jaune… mais enfin, nous étions tous entre amis et une mauvaise intention était à bannir. 

L’explication ne tarda pas à venir de la part d’un couple de retraités farceurs sur le point de déménager. Il avait eu l’idée du colis truffé de vieux objets, Elle avait acquiescé. Il s’en occupait, Elle le laissa faire. Quelques jours plus tard, après avoir nettoyé la caisse du chat et emballé la crotte dans du papier journal, Elle jeta le tout dans un carton à proximité manifestement destiné à la décharge. Il continua à glaner les vieux objets, les emballa et les déposa dans ledit carton ! 

Et voilà comment une crotte s’est malencontreusement glissée dans le colis cadeau ! Alors que certains doutaient encore de la bonne foi de nos retraités à la fois hilares et confus, notre sexagénaire déclara que cette merde n’était pas la première qu’elle prenait en main depuis qu’elle garde des chiens qui ont parfois le chic de s’oublier sur les trottoirs. Et cela lui avait toujours porté bonheur !

Les « coquins »

Le temps des vacances a permis à nos petits-enfants de passer une journée dans un Marine land du sud de la France .  Ils ont été émerveillés par le spectacle présenté par des dresseurs d’orques.  A leur retour, comme je gardais LISON, (  deux ans ), elle m’apporta un «  beau livre » dans lequel sont dessinés toutes sortes de poissons. Le jeu consistant à ce qu’elle tourne les pages de carton et que je lui dise le nom de chaque espèce, nous sommes arrivés aux requins. Et ma petite fée, croyant revoir les orques s’écria en pointant du doigt : «  Les coquins, piouf !  les  coquins, piouf ! »  Puis , comme  surprise, je la regardais, elle continua : «  Veux aller ! veux  aller ! 

 

Emerveillée, je constatais que cette petite puce de deux ans était déjà capable de se souvenir d’un fait remontant à trois semaines et à l’expliquer. 

 

Quelques jours plus tard, comme je cherchais dans une boite quelques colifichets appartenant à sa grande sœur de six ans, LISON vit une bague de plastique rose des plus clinquantes. Comme elle la prenait, je lui dis qu’elle était à était à APPOLINE et qu’il faudrait la lui demander. 

 

APPOLINE  revint avec sa maman dans la soirée et je dis à LISON : C’est le moment ma chérie, de demander à APPOLINE si elle veut bien te donner sa bague ! 

 

Alors LISON,  regardant APPOLINE, se jeta à genoux devant-elle ! Et je compris, à la fois étonnée et très émue que notre petite fée, incapable encore de parler suffisamment, savait déjà se faire comprendre de la manière la plus efficace qui puisse exister. 

 

On fait bien sur, pour les siens les rêves les plus fous : et je me prends déjà à penser que LISON pourrait bien avoir l’étoffe d’une grande tragédienne… 

Le bracelet d’argent

      Une de mes amies du village m’avait parlé de trés beaux objets qu’elle avait ramenés d’un voyage en Inde et du somptueux travail d’orfèvrerie des artisans indous. La curiosité féminine aidant, je lui fis une petite visite.

 

Comme j’entrai dans la boutique, je la vis occupée à papoter en compagnie d’une  vieille dame à l’air absent et d’une femme extrêmement bronzée , dont le teint contrastait curieusement avec les cheveux blonds. Très émaciée, elle se tenait nonchalamment accoudée au comptoir de la boutique. 

 

Saluant mon amie, je luifis part de l’objet de ma visite, mais celle-ci, surprise par mon arrivée, se leva vivement pour me dire : «  C’est que j’ai presque tout vendu !… » et de commencer par sortir de sa vitrine, un bracelet d’argent vieilli, somme toute assez banal… 

 

Je regrettai déjà ma visite, quand la femme du comptoir, avant que j’ai pu saisir l’objet pour mieux le regarder, le prit des mains de mon amie et se mit à la tourner en tous sens dans ses doigts, allant jusqu’à déclarer : «  il est un peu petit ! » 

 

Alors, sautant sur l’occasion, je lui dis : «  Je quitte le village dans deux jours, aussi je vous laisse jusqu’à demain ! si, demain , vous ne l’avais pas pris, je l’emporte !  »

 

.De retour de promenade dans la soirée, je vis mon amie venir à ma rencontre et me dire d’un air préoccupé : « Elle l’a pris ! elle  l’a pris ! et pourtant, cela faisait des mois qu’elle le voyait en vitrine ! » 

 

Comme c’est dommage ! ais-je répondu: Dis bien à ta cliente qu’il me plaisait beaucoup ! 

  

( car je pense vraiment qu’il n’en aura que plus de valeur à ses yeux !…) 

Brocante

Une brocante, but de la promenade dominicale des badauds ou collectionneurs qui se laissent guider par le coup de cœur, tous à la recherche de la perle rare et d’objets inanimés dans l’oubli mais à l’âme intacte prête à repartir pour une nouvelle vie utile après , parfois, le soin prodigué d’une restauration. Des curieux de l’obsolète sans la modernité et son pied de nez aux courants, aux modes pour ouvrir la malle aux trésors. Une malle ramas aux valeurs affectives ou aux vraies valeurs ayant appartenues à nos grands-parents et au charme d’antan empoussiéré. Comme au milieu de l’hétéroclite : un vieux moulin à café,moulin à paroles pour raconter aux souvenirs les cuisines et l’arôme exhalé des grains fraîchement moulus. Comme dans le bric-à-brac d’un étal : un lustre des lustres et des lustres écoulés aux reflets mordorés,lumières subsistantes de son attrait d’autrefois qui semble faire un signe.Ou bien, là aussi, au gré de la chine dans ce vaste grenier au grand jour : de vieux livres aux pages jaunies, certes pas incunables mais bien reliés par un relieur disparu identifié d’un connaisseur à son colophon. Des livres au vécu riche d’histoires contées,des histoires de l’enfance retrouvée. Et encore, sur une couverture à même le sol : une jolie chaise rustique au bois patiné,peau de satin maintes fois cirée pour durer et se transmettre à la barbe de la désuétude et des habitudes qui jettent. Partout , un touchant fatras d’objets parfum du passé et des gens yeux écarquillés tout grand pour avoir le nez d’apprécier leur valeur et accompagner de mots pour marchander leur prix.

Une brocante, un dimanche sous la clémence du ciel,une chance qui fera revenir, ici ou ailleurs comme au recueil attachant des choses de jadis. Un dimanche, une brocante pour trouver son bonheur,la fortune du dénicheur , l’invention de trouvailles…où c’est aujourd’hui …hier.

Rencontre du troisième type

Je rentrai hier soir à 19 heures, à la barre de mon fidèle 4×4, vers mon humble demeure campagnarde…. Ayant quitté le bitume à Dieue-sur-Meuse, je traversai la plaine surplombant cette grosse bourgade, chef-lieu de canton, avant d’entrer dans le bois, raccourci par la côte de la « Voie des Loups », 370 mètres d’altitude, me faisant économiser pas moins de 5 kilomètres de macadam pour rejoindre Rupt-en-Woëvre, ce village où je réside, sis au cœur de la forêt  au pied des Côtes de Meuse….

Je m’arrêtai à l’orée du bois, profitant des derniers mètres de jouissance du réseau de téléphonie mobile, pour appeler, comme à l’habitude, ma Pénélope de compagne restée à Verdun, avant de m’enfoncer au cœur de la Sibérie Meusienne où toute communication par cellulaire s’avère impossible….

Tandis que je conversai, mes phares éclairant le chemin rural s’enfonçant dans le bois, je distinguai tout au loin, tout au loin, dans le faible halo résiduel de lumière, comme une ombre grise mouvante….

Comme une ombre grise mouvante se dirigeant lentement vers moi et se déplaçant sur le chemin blanc, allant de gauche à droite, de droite à gauche…. L’ombre se rapproche, se rapproche…. Je distingue enfin  « l’Être » qui s’avance….

Mais non, ce n’est pas un extra terrestre !….C’est bien plus rare et bien plus beau…. Un gros cochon !…. Un énorme bête noire !…. Un sanglier solitaire, à la démarche tranquille, le groin fouillant le sol venant droit sur moi….

Il s’approche encore…. toujours le groin au sol, il ne regarde pas devant lui…. J’ai le vent debout, il ne peut pas me sentir mais il pourrait au moins entendre le moteur de ma voiture….Bon, ils sont tellement habitués au bruit des tracteurs…. Il est à 50 mètres…. 40 mètres…. il dandine de la tête… 30 mètres…. 20 mètres…. Bon dieu, mais il va rentrer dans l’auto !…. 10 mètres !!!….

Enfin, il lève la tête et s’arrête net !…. Étonné, surpris, il vient de découvrir la voiture, il a les pleins phares en pleine gueule….

Il me regarde, il a les écoutes bien dressées dirigées ver moi…. j’entr’aperçois l’éclat de l’ivoire blanc de ses impressionnantes défenses…. Il est en pleine lumière…. Il est magnifique !….

Je suis toujours au téléphone et je relate la rencontre en temps réel à Évelyne, mon amie, qui n’en croit pas ses oreilles….

Cela dure au moins trente secondes…. Je suis hilare…. Il se demande ce que je fiche là…. Et moi non plus….

Soudain, crochet à 45 ° sur la gauche, sans se presser, il disparaît dans le bois pour suivre la lisière à couvert….

Adieu Solitaire….

L’enfant à la fenêtre

Nous avions décidé de faire, sous le soleil, la promenade «  du renouveau » qu’enfant, je faisais avec mes parents, dès la fin de l’hiver. 

Sous le soleil, nous avons pris l’ancienne route de la Mure dont l’ancien pont enjambe l’ISSOLE qui dispense sa fraîcheur, déversant l’eau vive et claire des ALPES  avec générosité. 

Nous marchions sur cette route où peu d’espace est dévolu aux piétons et le passage de chaque voiture soulevait la poussière si bien que c’est avec plaisir que nous avons pu quitter la route pour prendre l’ancien chemin, bordé d’aubépine .La petite chapelle où, derrière une grille la statue de st André veille sur le passant est bien celle que j’ai toujours connue et tout ici me parle du passé…jusqu’au motocycliste qui arrive sur son engin des années 50, nous dépasse, puis revient, pétaradant, pour mieux nous jauger ! 

Nous arrivons au village…si petit, si petit…et je veux, tout près de la place en demi-cercle montrer à Franco le tout petit bosquet où j’aimais aller jouer. 

Toute à cette pensée, je passe près d’une maison sans regarder. Franco dit : Bonjour ! , puis me dit : on  te dit bonjour…) 

Levant les yeux, je vis une petite fille d’environ sept ans, à la fenêtre. D’une voix si douce et claire elle dit : Bonjour ! et me regarde furtivement. 

J’eus à peine le temps de sourire et lui répondre que nous étions passés…Le petit bois a disparu…Ils ont construit la Mairie à sa place !…Redescendant vers la Placette, j’ai levé les yeux vers la fenêtre : mais, seul un rideau frémissait sous la brise. 

Nous sommes repartis. Franco n’a pas vu mes larmes couler, derrière mes lunettes de soleil…car une pensée m’avait étreinte…  Cette enfant à la fenêtre : c’était la petite fille que j’avais été, qui était venue me faire signe dans un rayon de soleil de ce jour de Juillet. 

Rubrique anecdotes

Joëlle nous propose une nouvelle rubrique intitulée « Anecdotes » avec un texte qui paraîtra demain. Chacun aura la possibilité de publier des textes en prose relativement courts (environ 30 lignes) sur les thèmes de votre choix, vécus ou imaginaires, sur le ton anecdotique.




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