Une enfant que le sort frappait cruellement
Découvrait qu’au village, avec sollicitude,
Chacun voulait combler sa perte des parents
En chassant de son cœur l’infâme solitude.
Pour grâce, la fillette offrait ses petits bras
Dans de menus travaux et, sagement discrète,
Elle œuvrait au labeur sans faire d’embarras
Pour ne pas révéler son épreuve secrète.
Ainsi faisant, la vie avait repris son cours
Et, dans chaque maison, la couche inoccupée
Permettait à l’enfant, sans quêter un secours,
De s’endormir en paix unie à sa poupée.
Son tissu de coton et d’éponge-douleur
Nourrissait, chaque soir, son amour pour sa mère
Qui, les doigts repliés sur un fil de couleur,
En petits points de croix, l’avait cousu naguère.
Puis vint la saison chaude et le chef de tribu,
Craignant la sécheresse au pouvoir maléfique,
Put convaincre les dieux d’offrir un sol herbu
En échange d’un gage ou cadeau magnifique.
Des villageois, pourtant, aucun n’était aisé
Et n’aspirait d’ailleurs à la moindre richesse
Puisque, pour noble prix et le geste apaisé,
Il pouvait partager l’honneur ou la tendresse.
Mais, ce fut la fillette agissant de plein gré
Qui, masquant de ses mains un cœur en ecchymose,
Fit don de sa poupée… alors que dans le pré,
Verdissant sous ses pleurs, naissait la primerose.