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Archive mensuelle de novembre 2013

Qui étais-tu ?

Qui connaissait l’homme qui ne disait rien
Au bout de nos phrases et regardait loin
Les mains dans les poches, à l’air chaotique
Qui mangeait lentement, sourire laconique ?

On l’a retrouvé entre algues et tessons
Sous les palmes des signes, le vol des pigeons
Et les voûtes du pont où passent les voitures
Aux chauffeurs pressés, regard droit et sûr.

On l’a repêché, paquet des bas fonds,
Tout gonflé d’histoires remontées au front,
Aux plinthes des murs verts de la rivière grasse,
Bagage déballé, voyageur sans trace,

Là où les sportifs tout frais du dimanche
S’arrêtent, rêvassant, s’essuyant d’une manche
Et où les lecteurs jettent un œil marron
Entre les feuilles mortes et papiers d’bonbons.

Le vent a soufflé sur les bords de toi
Et t’a traversé comme il troue les toits
Quand ton corps s’est fait celui d’une poupée
Aux amas de mousse épars déplacés.

Au pied de ce chêne qui t’a vu glisser,
Un chien a pissé, un oiseau, chanté
Et le trajet gris courant vers la ville,
Les rires le jalonnent des vélos tranquilles.

Dans le silence lourd, sur les graviers nets,
Ton jeune spectre bats : un cœur de planète.
C’en est une entière que tu emmenas
Et personne ne pleure ce monde qui se noie,

Ce monde qui s’écroule, cet assassinat.
La vie ne met même un voile sur cela.
Elle mêle en même temps, la mort, les sardines,
Un mégot qui traîne, un bras qu’on vaccine…

Bordel des bordels ! et un champ de blé
Qui ondoie luisant au même air butté.
L’air qui le caresse est celui qui perce
Ta carcasse lasse, l’enroule et la berce.

Qu’il y creuse sa place comme feu dans la nasse
Et qu’il la fasse taire et puis la défasse,
L’efface et l’enterre, l’esprit ne l’accepte
Cette vérité crue que l’on intercepte.

Pourtant tu n’es plus et c’est comme cela
Que tu es parti et pas comme un roi.
Voilà ce qu’on est, voilà ce qui est
Hors de tout reflet, avant et après :

Un morceau de poire là qui tombe par terre,
Qui n’a plus à voir avec un dessert
Ni avec un fruit et passe à la trappe,
Un morceau fantôme que rien ne rattrape.

La vie facilement nous laisse devenir ça,
Sans avertissement, sans masque, ni passe droit.
Des âmes les plus fines elle fait du terreau
Pour les pieds des signes, le soc des bateaux.

L’eau vive

En dardant de ses feux une saison aride,

Le soleil exhalait une chaleur de plomb,

Asséchant la nature et crevassant de rides

Une terre gercée en de nombreux sillons.

L’atmosphère alanguie exsudait sa souffrance

En couchant de son poids les récoltes des champs,

Etouffant de chagrin la fragile espérance

D’une pluie allégeant la pesanteur du temps.

Tout au fond du jardin, sous la grande tonnelle

A la voûte jaunie, une humble goutte d’eau,

Dans sa beauté limpide, étincelante et belle,

Se perlait de moiteur pour s’offrir en cadeau.

Près du feuillage épars, une rose meurtrie

Convoitait cette larme avec avidité

Pour qu’elle désaltère et sa robe flétrie

Et son corps désireux d’un peu humidité.

A l’égal de la fleur, l’être vivant réclame

Un climat de douceur et d’échange alentour

Pour apaiser la soif et les maux de son âme

Aux sources de la vie affluant de l’amour.

Le prix de la fleur

Il venait d’un pays qui n’existe qu’en rêve,

Un pays où la rose était comme une sœur,

Dont la seule présence avait ravi son cœur,

Pour elle, il accepta que sa fugue fut brève.

 

Dans son pays lointain, minuscule planète,

Le coucher du soleil venait, à satiété,

Illuminer sa vie et, parfois, l’habiller

D’un peu de poésie à l’heure où tout s’arrête.

 

* * *

 

Il est en mon jardin, mon pays, ma province,

Des centaines de fleurs au charme délicat,

Mais il est une rose, à la robe incarnat,

Unique et d’un grand prix, le sais-tu, « Petit Prince » ?

 

La fraîcheur du matin dépose en sa corolle

Une perle d’eau vive au reflet chamarré.

Et, dans la paix du soir, exaltant sa beauté,

Les couleurs du couchant lui sont une auréole.

 

Ainsi, nous dit l’enfant, chaque instant de la vie,

Nous offre une présence, un ami à aimer,

Un coucher de soleil pour nous émerveiller

Et pour nous rappeler que tout est poésie !

On ne voit bien qu’avec le coeur

 » On la trouvait jolie et voici qu’elle est belle … »

Jolie, aux yeux de ceux qui la voyait passer,

Mais, belle à qui savait déjà la regarder

Avec les yeux du cœur. Charmante ritournelle !

 

Un aveugle m’a dit qu’il voyait des images

En écoutant Mozart, Beethoven ou Chopin

Et qu’en se promenant, le soir, en son jardin,

Le parfum de ses fleurs n’était que paysages !

 

Il naquit trisomique, emblème d’innocence.

 » Handicapé mental « , avait dit le docteur.

Mais sa maman, bien sûr, n’écoutait que son cœur

Et ce fut son amour qui fit la différence.

 

Dans un regard d’enfant où perçait quelque doute,

J’ai cru voir une angoisse ou, peut-être, une peur.

Mais, quand je l’ai serré, tendrement, sur mon cœur,

J’ai compris son émoi, fait taire sa déroute.

-Nuit

Nuit en toison d’ébène roulant ses ondes d’indolente houle et de soyeuses paresses sur l’ambre chaude d’une épaule offerte aux songes issus des hautes volutes du désir.

Nuit en éclats de saphir brûlant comme deux torches aux abords de la baie des retours de haute mer d’émoi, chargée d’épices et de plaisirs damassés de dociles douceurs.

Brûlant aussi comme le tranchant de l’épée brandie sur l’anneau des serments, et que nulle trahison ne vint dérober sur les chemins d’aventureuse mémoire.

Nuit vêtue de lascives voilures où s’enivre la beauté dans le miroir du silence et susurrant ses sédiments de soupirs entre les pages d’heures incantatoires, d’heures divinatoires comblées de la circonvolution intangible d’une attente subtile et sûre, comme le frôlement du parfum de la traîne vers la plénitude d’amour.

Le temps de l’eau

La nature s’éveille et le soleil flamboie.

Des sanglots de la nuit ne reste en souvenir,

Sur un bouton de rose, alors qu’il va s’ouvrir,

Qu’une perle d’eau claire, une larme de joie.

 

 

Pour libérer la source, instant de poésie

Et de féminité, la Montagne s’ouvrait.

Et, de son flanc fécond, généreuse, elle offrait

L’eau vivante et chantante, elle enfantait la vie !

 

 

La Mer a reflué jusqu’en l’étale basse,

Mais elle reviendra, de rouleaux en rouleaux,

Tester sur les récifs la force de ses eaux,

Inexorablement, usant le temps qui passe !

 

 

En me remémorant la merveilleuse histoire

De l’enfant du désert, « Petit Prince » venu

D’un lointain univers, je me suis souvenu

De quelques mots gravés au cœur de ma mémoire.

 

 

Il disait qu’il voulait, vers l’eau qui rassasie,

Marcher à pas comptés ; aimable postulat

Qui tend à préférer au succès immédiat

Le chemin qui conduit aux sources de la vie.

Ambivalence

L’ardent flash de l’éclair… L’écho sourd du tonnerre…

Quand l’écran s’illumine, un ciel noir en retour

Excite crescendo la peau de son tambour.

Le coup de foudre porte au cœur lumière et guerre.

 

 

Tant d’éclat dans la tête ! Il ne touche plus terre,

L’amoureux déchaîné par l’extase d’un jour,

Ignorant qu’un revers se trame à contre-jour,

Que le temps détruit tout dans  sa mortelle serre.

 

 

Cruelle ambivalence. Un nœud fait trébucher

Des pas mal assurés. Le couple va lâcher.

Sur un fil trop tendu, les amants funambules

 

 

Pressent, désespérés, leurs doigts qui se sont joints

Pour croire à l’infini, jouer des contrepoints

Sans accrocs, souvenirs d’esseulés somnambules.

Concours du Centre d’Art Lorrain

 Prix : Frédéric POTTECHER

 

BULLETIN DE CANDIDATURE

Cliquer sur l’icone ou le lien pour ouvrir le fichier contenant le règlement et le bulletin d’inscription :
fichier doc Centre d’Art Lorrain Bulletin de candidature 2014 CAL

Evocations

Quand les blés seront murs, au matin de l’absence,

Et que leurs blonds épis danseront dans le vent,

Ils seront souvenir. Lors, dans un vœu fervent,

Mon cœur dira ton nom pour rêver ta présence.

 

Tes yeux brillaient des feux qu’au mitan de sa course,

Un flamboyant soleil venait y déposer.

J’ai compris, ce jour-là, je n’osais l’espérer,

Que ton regard serait ma rivière et sa source.

 

Lorsque le rossignol, au cœur de la vesprée,

Accueillera la nuit d’un discours enchanteur,

Je me rappellerai ces instants de bonheur

Et de sérénité, quand l’âme est apaisée.

 

Sur la plaine alanguie où régnait le silence

La caresse du vent me rappelait ta main.

Mais tu n’étais pas là, je t’ai cherchée en vain

Et je n’ai jamais pu guérir de ton absence.

Ainsi va le monde

Il y a le fracas de la mer, aussi le fracas de la guerre
Il y a les jours sans pluie, les jours d’avec le déluge...

Il y a le vent et la semence, qu’il porte et qu’il emporte
Il y a des printemps stériles et des étés si tristes
Qu’on voudrait les pendre...

Il y a les enfants qui ont faim. Ceux là ne sourient pas.
Et les enfants heureux qui racontent leurs jeux.

Il y a le mois  d’avril et le mois de novembre
Quand le ciel est tout bleu. Quand le ciel est de cendres.

Il y a de grands océans et des mers d’étoiles.
Il y a  aussi des mers mortes qui brûlent les pieds

Il y a les larmes du rire et du chagrin
Qui lavent les yeux
C’est un tout. Ainsi va le monde
Et le savoir peut rendre  malheureux.

11 novembre 1999 en Tchetchénie

 

Ce garçon de douze ans, sur un lit d’hôpital,

N’exprime ni dégoût, ni haine ni colère.

Parmi d’autres blessés dans la même galère,

Seul le retient encore un frêle instinct vital.

 

Une étrangère approche et sa voix de cristal

Le caresse bientôt comme un baiser solaire.

Alors il parle enfin, mais son coeur s’accélère,

A peine évoque-t-il l’après-midi fatal.

 

Un éclair, un bruit sec au milieu du village…

Des enfants près de lui n’avaient plus de visage;

Aussitôt l’emportait un soldat valeureux.

 

Il regarde blêmir les reporters ingambes.

Jamais il ne fera leur métier dangereux :

Un homme en blanc n’a pu que lui couper les jambes.

 

Prix Voltaire au concours du Cercle Littéraire de Graffigny de Lunéville, en 2000.

Prince noir

Pendant du blond aux yeux de glace,
Te voici mon nouveau canon,
Prince ou barbare aux yeux charbon,
Aux cheveux du noir de l’espace.

Viens étendre ton corps de rapace
Sur la berge fraîche d’un étang,
Ta tignasse aux reflets d’argent
Emmêlée de fleurs et de crasse.

J’ouvrirai le voile de ton torse
Sous ta gorge nerveuse que je mords,
Pour caresser tes muscles d’or,
Tes beaux muscles aux fibres retorses.

Dans ton regard froissé de fièvre,
Luira un ruisseau de promesses.
En frôlant celui de tes tresses,
Je boirai celui de tes lèvres.

J’aspirerai ce fluide de rose
Entre tes dures mâchoires de pierre
En me coupant aux lames de verre
De tes dents, aimants de mes proses.

Je m’étendrai à tes abords.
Là, une immobile jusqu’au soir,
Les yeux fermés, comblée de noir,
Tu seras l’encre de mes pores.

Et pour écrire ce que tu es,
Lourde, je me fondrai à ta masse.
Sous la lune -collés à cette place-
Nous dormirons, ventres défaits.

À l’aurore j’aurai les collines
De tes pommettes d’ambre pour ma bouche,
Ton ventre pour ma main qui s’y couche
Et sa chaleur qui m’assassine.

Dans ce bois au parfum de mangue,
Près de l’eau, se mêleront nos doigts.
Une colombe dans le ciel passera
Et nous aurons l’âme qui tangue.

Nous deux, enlacés, sans rien dire,
Verrons naître un soleil qui bat
Mais l’image s’efface déjà,
Ce n’était qu’un rêve qui expire.

Amour

Froissant le bleu matin dans le lit de riches songes, la houle de haute nuit onirique frémit à peine sous l’haleine d’un baiser. L’onde nue et de tiède nacre love ses paresseuses courbes sous la caresse d’un désir quand s’alanguit l’heure de nulle raison, de nulle saison, dans l’embrasement du regard consenti où va mouiller une tendresse sans ancrage. Monte la grande marée des sens quand se lèvent les vents venus d’un pays de connaissance chargés d’effluves domestiques sur les rives d’un sourire en bouquet de parme ; chantent les vents portant l’humus d’anciennes merveilles jusqu’au tréfonds d’une mémoire agile et revisitée des frais espoirs de l’aube ;

soufflent les vents l’unisson d’émois éclatants

quand tombe la mûre moisson des mots d’amour.

Un seul vers

Un ciel bas dégouline,

Clapote dans les cœurs.

La ville a ses vapeurs,

Chacun sa grise mine.

 

Il suinte des murs

L’obsédante rengaine

D’un écho de Verlaine.

Un seul vers, des plus purs.

 

Il cogne à la fenêtre,

Bondit sur les pavés.

Ses mots restent lovés

Dans les creux de mal-être.

 

Quand l’absence est ma sœur

Et ma seule compagne,

Un seul vers m’accompagne.

 

Il pleure dans mon cœur…

Réception amicale en mairie d’Angevillers

Pour rendre hommage à Jacques MULLER, Grand Prix des Poètes Lorrains 2013, sa commune, Angevillers, a organisé une réception fort conviviale en son honneur, aux côtés de son épouse, d’amis, de représentants d’associations, d’élus et d’enseignants. J’ai eu l’honneur d’y représenter la SPAF Lorraine et de présenter le recueil primé ainsi que le talent poétique de Jacques, qui a expliqué la genèse de son inspiration et remercié l’ensemble des participants. Une belle soirée pour laquelle on peut rendre hommage à la commune et son maire, Mme Marcelle Brière. (Texte A. Bemer – Photos G. Legrand)

Réception amicale en mairie d'Angevillers dans * MULLER Jacques rlangevillerscouleurs

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Les oies (huile sur toile) par Monique Colin

Les oies (huile sur toile) par Monique Colin dans * COLIN Monique les-oies

Toussaint

Toussaint humide et blême.

L’automne larmoie

Des chapelets de feuilles mourantes

Sur les joues mélancoliques

D’une journée languissante.

Le crépuscule a commencé dès l’aube.

Le ciel a gardé closes ses paupières :

,Avare de lumière,

Il n’étale que du gris

En débandade

Entre sapins figés et nuages obèses.

Les lignes s’estompent

Sur l’horizon épuisé.

Les teintes s’anéantissent et sombrent

Dans les gifles de pluie.

Seuls débordent de couleurs

Les cimetières,

Où les vivants chargés de fleurs,

Chuchotent des souvenirs

De mort et de douleur.

Toussaint humide et blême

Toussaint

Octobre a pris congé de l’automne arlequin
Dont Eole moqueur défeuille le costume.
Les morts vont recevoir notre hommage posthume,
Des fleurs pour embellir leur ultime lopin.

Chers parents endormis sous un noir baldaquin
De granit où se brise en vain mon amertume,
Mon corps, saisi d’effroi, refuse la coutume
De vous rejoindre un jour en habit de sapin.

Je veux, réduite en cendre, être d’un sycomore
Le suc qui nourrira les jeunes frondaisons.
Que sa verte ramure aux amis remémore

Mes poèmes dansant le ballet des saisons,
Nos heures de soleil et d’ivresse première,
Mon cœur, insatiable assoiffé de lumière.

Jour de Toussaint

En un jour de Toussaint si fortement fleurie
La demeure bruissait de parents et de pluie
Qui tombait finement, en arrosant les fleurs
Venues prouver aux morts qu’ils restaient dans les cœurs.

Le petit vieux allait, à jolis pas menus
Tout courbé qu’il était et déjà fort chenu
Sans se soucier des gens, des allées et venues,
Redécorer les tombes qu’il avait retenues.

Curieuse, j’observais son drôle de manège,
Empruntant un pot là, ici un bouquet grège,
Allant les répartir sur la tombe isolée,
Qui, jour de souvenir, n’était pas visitée.

Ainsi devant la sotte et ingrate aberrance
L’injustice de vie, même dans la souffrance,
Il essayait enfin et par un grand effort,
D’établir l’équité bien par-delà la mort.




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