Au début de la campagne de chasse 1993-1994, ils n’étaient que quatre teckels à poil long à l’élevage « Du Mors aux Dents » : Farandole, Furibonde, Hélice et Hardipetiote, la plus jeune….
J’aimais bien cette dernière pour plusieurs motifs…. Tout d’abord, les conditions de sa naissance : ce fut le seul chiot de la portée et il fallut deux heures d’une mise-bas difficile, par le siège, pour qu’elle advienne à la vie…. A l’âge d’un an, elle était devenue une jolie chienne, d’un rouge pur, homozygote pour la robe c’était sûr…. J’avais fait 3000kms aller-retour pour faire saillir sa mère au fin fond de l’Allemagne de l’Est avec un mâle dont tous les ascendants réunissaient les principales qualités de beauté et de travail…. Hardipetiote avait une très belle tête, belle encolure, un dos extra, des aplombs impeccables et une « pêche » d’enfer….. De plus, elle avait cette manière rare de sourire de certains teckels, tout particulièrement de ceux de mon élevage ; pour manifester sa bonne humeur elle venait vers vous en remuant de la queue et du croupion et retroussait le chanfrein et les babines dans un magnifique sourire laissant apparaitre une double rangée de crocs étincelants et bien plantés….
Tout sa mère et sa grand-mère….
Deux ou trois entrainements au terrier sur renards, j’étais à l’époque maitre d’équipage de vénerie sous terre, l’avait particulièrement intéressée et elle venait tout juste, en ce mois de décembre 1993 de se déclarer sur le chevreuil en une magnifique menée à voix, sans voir l’animal de chasse…. Quel plaisir d’entendre sa voix stridente au milieu de l’enceinte…. Quand les origines sont là, les aptitudes naturelles sont présentes, pourvu qu’on les maintiennent, et c’est là tout le travail et le talent de l’éleveur….
La semaine suivante, un des rares dimanches où je ne chassais pas au bois, j’emmenais Hardipetiote et sa mère faire un tour en plaine aux alentours de chez moi…. J’arrêtais le 4×4 sur un chemin de terre, pris le 12 et découplais les chiens… Les deux chiennes partirent aussitôt, nez au vent, de toute la vitesse de leurs pattes et de leurs dos, dans la direction opposée à celle où j’escomptais me diriger…. Le vent, malgré tout léger, était en sens contraire et je n’avais pas eu le temps de m’en rendre compte…. Je sortis ma trompe de battue et sonnais l’appel des chiens…. Furibonde, habituée, rompit aussitôt et reprit son pied, mais Hardipetiote, jeune et fougueuse, continua sur sa lancée…. La route départementale était loin, plus d’un kilomètre, mais déjà je ne voyais plus la chienne en plaine et m’inquiétais…. Ni une ni deux, je jetais Furibonde et le 12 dans le coffre, sautais dans le 4×4 et m’élançais à la poursuite de mon chien…. Lorsque j’arrivais à la route départementale, 2 minutes après, il était trop tard…. Hardipetiote gisait au milieu du macadam…. Pas une goutte de sang, pas une trace, pas une blessure mais elle avait cessé de vivre…. Un voiture roulant à grande vitesse l’avait « tapée »….
Je ne ferai pas de commentaire, ceux qui ont connu des moments analogues comprennent….
Je l’ai enterrée dans le jardin, auprès de sa grand-mère qui nous avait quittés l’année précédente à l’âge de 17 ans….
Voilà, c’était quelques lignes en souvenir de « Hardipetiote du Mors aux Dents », petite teckel à poil long d’un peu plus d’un an, de grandes origines, pleine de promesses et trop vite partie….
Quant aux occupants de la voiture qui n’ont pas daigné s’arrêter après avoir écrasé un chien portant collier et clochette, je leur dédie ces trois petits vers de Georges Brassens, mon maitre à chanter :
« Que leur auto
« Bute presto
« Dans un poteau »….