La neige du passé revenait en décembre
Se coller sous les pieds des pauvres paysans
Dont les sabots cloutés attendaient patiemment
Pour enfin se passer de la boue de novembre.
Elle aimait se tasser où leur forme se cambre
Pour vite retomber et suivre, un court instant,
La messe illuminée par les regards d’enfants
Tout heureux de veiller en dehors de leur chambre.
Elle fondait alors, heureuse d’avoir vu,
Dans la chapelle, encore la crèche de Jésus,
Symbole de ce monde où tout est renaissance !
Et puis, s’évaporant, comme au fond des tombeaux,
Du pavé qu’elle inonde avec quelque brillance,
Elle ressuscite en haut du ciel ses cristaux !
Pascal Lefèvre
Merci d’avance aux experts du sonnet classique pour leurs commentaires techniques
Bonsoir Pascal
Le poème est plaisant mais c’est vrai que c’est surprenant ce changement de temps, le texte emmène dans un voyage vers le passé pour, à la chute du sonnet, se retrouver face au présent….Est-ce un effet voulu ?
« boue » le e muet là, si je ne me trompe, théoriquement pas permis dans un sonnet….
Mis à part ça, j’aime bien l’image des sabots cloutés et de la boue de novembre….
Autre commentaire technique ; Je ne sais pas ce qu’en pense Zaz, mais il y a systématiquement comme une rime, ou plutôt une assonance en « é » à l’hémistiche des 8 vers des deux quatrains… Cela apparait surtout à la lecture du sonnet à haute voix, ce qui perturbe le rythme de l’alexandrin et donne comme l’impression d’écouter des vers de 6 syllabes….
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Je n’ajouterai pas grand chose qui est dit, étant en accord avec les remarques afférentes à la forme classique. Ne pas se priver du « encor » qui fait autorité au niveau des licences, s’il tombe à point, et ce serait le cas. Ce que dit Claudio est intéressant quant à la nécessité d’éviter une même sonorité répétée à l’hémistiche car il ne donne pas seulement la règle, mais sa raison d’être. On risque en effet de passer dans une lecture intuitive de l’alexandrin à une succession de vers de six pieds. Mais ça n’est pas exactement ici un cas d’école car les vers de six pieds manqueraient à ce point d’unité pour amener cette confusion.
relisons en six peids:
« La neige du passé
revenait en décembre
Se coller sous les pieds (d’ailleurs pieds ne rime pas avec passé)
Des pauvres paysans
Dont les sabots cloutés
attendaient patiemment
Pour enfin se passer
de la boue de décembre. »
Non, je ne suis pas tenté par une lecture intuitive de vers se six pieds.
Et s’il reste vrai que la répétition des mêmes sons à des mesures égales en dehors de celle du vers rompent l’unité de strophe, je n’y trouve pas de véritable pesanteur.
En revanche, il est plus perturbant d’employer la même sonorité à l’hémistiche qu’en fin de vers, car on tombe vraiment là dans une symétrie absolue. Ca n’est pas ici le cas.
Encore une fois, je me répète sans cesse, à lire à voix haute, il est difficile de ne pas le détecter.
Dans le cas de ce poème, cela n’a pas perturbé ma lecture au niveau sensible. A part le (e) de boue qui effectivement pose » problème à la lecture devant une consonne, j’ai tiré du plaisir à la lecture de ce texte. Seul le dernier vers m’a vraiment posé problème. Il dénote sur l’ensemble assez harmonieux.
Dans le rythme, j’aurais vu quelque chose comme « elle repeint le ciel en nappes de cristaux », sans aucunement vouloir entrer dans la sensation de Pascal qui est différente. Très clairement, il se peut pas s’agir de proposition de correction. Je me limite au rythme.
Quant à la concordance des temps, rien au niveau grammatical n’interdit de changer de temps au cours d’un poème s’il ne s’agit pas de la même unité d’action (et encore cette règle souffre des exceptions). Mais il est vrai qu’ici j’attendais bien une unité au passé dans le second tercet, dans la mesure où je n’ai pas repéré le signe annonçant le changement.
Cela aurait été différent si Pascal avait mis un verbe personnel au présent, annonçant que sa vision changeait de temps, donc avec un Je.
Un leit-motiv…Il n’y a pas grand chose à changer pour obtenir ici un poème de bonne facture !
Merci à tous pour ces commentaires très instructifs.
Bien vu pour le « encor » et la « boue »
Pour ce qui est des assonances en « é » aux hémistiches des quatrains, c’est un peu voulu pour justement évoquer la pesanteur des sabots qui se traînaient au sol avec la boue puis la neige collante.
Pour ce qui est du passage au temps présent dans le dernier tercet, je prends bien note de vos remarques, mais me dis qu’après tout l’ascension de cette neige qui a mis du temps pour se transformer en eau puis en lente évaporation pourrait peut-être bien justifier ce passage du passé au présent… et puis, on ignore aussi la durée qu’elle va mettre encore pour se retransformer en cristaux de neige !
Finalement, ce manque de concordance de temps n’apporte-t-il pas une forme d’intemporalité assez cohérente avec le sujet traité ?