3/ L’alternance des rimes féminines et masculines

Règle élémentaire mais d’une importance capitale pour l’harmonie d’un texte rimé….
Qu’elles soient suivies, croisées, embrassées ou sous une forme fixe, Il faut toujours alterner les rimes masculines avec les rimes féminines….

Rappelons ce que sont les rimes féminines ou masculines :
rien à voir avec le genre féminin ou masculin du mot rimé,
une rime féminine est une rime qui termine par un e muet,
exemple : « rôle » « drôle » « incendie » « caddie »
une rime masculine est une rime qui ne termine pas par un e muet,
exemple : « virginité » « virilité » « rumeur » « humeur » 

Donc  en rimes croisées, une rime masculine doit toujours être suivie par une rime féminine et vice versa….

En rimes plates ou suivies c’est idem mais par paire de rimes, deux rimes féminines seront suivies de deux rimes masculines et vice et versa.

En rimes embrassées c’est presque pareil et voici un exemple d’alternance sur des rimes embrassées :

Horloge! Dieu sinistre, effrayant, impassible,                                   féminine
Dont le doigt nous menace et nous dit: « Souviens-toi!                     masculine
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi                        masculine
Se planteront bientôt comme dans une cible;                                  féminine

Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon                                            masculine
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse;                                   féminine
Chaque instant te dévore un morceau du délice                  féminine
A chaque homme accordé pour toute sa saison                  masculine
(
Charles Baudelaire)

Quand un ordre d’alternance est défini, cet ordre doit être gardé du début à la fin du poème ou/et  à chaque strophe….

En revanche, dans la versification classique, il est généralement interdit de faire rimer une rime masculine avec une rime féminine,
« clerc » ne rime pas avec « claire »
« chair » ne rime pas avec « chère »

                                                                       (Claudio Boaretto)

16 Réponses à “3/ L’alternance des rimes féminines et masculines”


  • Cette règle, comme toutes règles, est, par nature, générale et les exceptions, comme il se dit en France, confirment la règle….
    Pour produire certains effets de sons ou d’ambiance ou de dureté ou de douceur, certains grands poètes n’ont pas hésité à écrire des poèmes ou tout en rimes féminines ou tout en rimes masculines….
    L’important est d’avoir conscience de la règle, ensuite à chacun de la respecter, de l’utiliser ou l’adapter à sa guise pour obtenir les effets désirés….
    Je me souviens de ma jeunesse où j’écrivais mes premières chansons sans aucune notion de versification… je me demandais pourquoi certaines coulaient bien et d’autres, que je pensais écrire de la même manière, me laissaient insatisfait…. Ce n’est qu’en lisant par hasard, à la fin d’un vieux bouquin de grammaire, quelques lignes dédiées à la versification que j’ai découvert, entre autres, cette règle… C’était il y a quarante ans… Depuis lors les textes de mes chansons y ont fort gagneé et concrétiser la musique devint d’une simplicité enfantine….
    Ce qui ne m’a pas empêché, loin de là, d’écrire par exemple des chansons sur une seule rime, donc évidemment pas d’alternance, mais un effet à l’écoute que je trouve des plus heureux….

  • Peut-on dire qu’une rime soit parfaite lorsque la sonorité identique des mots ne conjugue pas deux orthographes semblables ?
    Ex : cou(lisse) et dé(lice)

  • Personnellement, je dirais même qu’il s’agit là d’une rime riche puisque la consonne qui précède la voyelle de la rime est également identique. A noter que les rimes riches sont particulièrement recommandées dans le 1er et le 4e vers d’un quatrain en rimes embrassées alors qu’elles le sont moins dans les rimes dites plates.
    Qu’en pensent Joëlle, Claudio, Gérard et les autres ?

  • On dit qu’une rime est une rime riche lorsqu’elle présente la même consonne d’appui.

    Donc à mon sens, il s’agit bien là d’une rime riche.

    (à noter qu’une rime approximative ne se nomme pas une rime pauvre, mais qu’elle ne rime tout simplement pas!)

  • Quand une rime n’est pas riche, on dit qu’elle est suffisante.
    Rappelons que pour qu’il y ait rime, il faut que tout ce qui suit la dernière voyelle soit identique.
    « bise » et « dire » par exemple ne sont pas des rimes mais des assonances.
    « bise » et « mise » sont des rimes suffisantes puisque ce qui suit le i est identique.
    « chemise » et « mise » sont des rimes riches puisqu’en plus de la rime, la consonne d’apppui, c’est-à-dire celle qui précédère la dernière voyelle, est également identique.
    Les mots d’une seule syllabes sont admis comme étant des rimes. Ainsi « feu » et « bleu », que l’on pourrait prendre pour des assonances puisque seul le « eu » leur est commun, sont malgré tout considérés comme des rimes, à utiliser de préférence dans des vers qui se suivent deux à deux (rimes plates ou suivies).

  • Oui Nicole, Zaz a tout à fait raison, la rime est plus que parfaite, elle est riche dans ce cas….
    La rime est avant tout PHONETIQUE et absolument pas orthographique….
    Je ne résiste pas à l’envie de vous communiquer cette phrase trouvée il y a peu sur le web à laquelle j’abonde totalement :
    « Notre prosodie fourmille encore de petites règles absurdes provenant presque toutes de cette idée fausse qu’il faut aussi rimer pour les yeux (LEMAITRE, Contemp., 1885, p.87). »
    En ce qui me concerne j’aime d’autant plus la rime parfaite et riche quand elle s’orthographie différemment….
    Par exemple dans ce quatrain :
    « Que mon bras soit ton seul appui
    « Tirer l’amour du même puits
    « Pour que le temps se dévergonde,
    « Suspende l’heure et la seconde. »
    J’aime particulièrement les deux dernières rimes féminines que je considère comme phonétiquement riches et qui ont pourtant une consonne d’appui différente…

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  • Cher Claudio, je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi lorsque tu dis que la rime est avant tout PHONETIQUE et absolument pas orthographique. Car dans ce cas, pourquoi ne pas faire rimer « ami » avec « infamie » ? Bien sûr toujours dans l’hypothèse d’un poème dit classique.
    En revanche, je serais prête à considérer que « dévergonde » et « seconde » riment richement car la consonne d’appui est, sinon identique, en tout cas équivalente.

  • Je prends le train en marche. Isabelle, je partage tout à fait ton commentaire sur la rime, en ajoutant que quand Verlaine a l’air de s’en moquer dans son « art poétique » avec son « bijou d’un sou », qu’il respecte par ailleurs, c’est peut-être pour nous dire de ne pas faire passer la rime avant tout.

    Pour rebondir sur ton commentaire, il est vrai que :

    la rime que Nicole propose peut être dite « riche » pour les raisons que tu exposes

    La richesse de la rime est particulièrement importante dans les 1er et 4e vers d’un quatrain en rimes embrassées. Aussi, lorsqu’une poésie se « prépare », que je la sens prête à venir, c’est bien le premier vers qui va tout emporter, et le choix du son final (de la rime, mais il n’y a pas encore rime parce qu’il est seul) va avoir une importance capitale et donner le « premier relief ».
    Ce que je recommanderais dans ce cas, c’est d’éviter de commencer un poème sur une rime pauvre lorsqu’on pressent qu’il va se décliner dans une forme fixe, ce qui n’est pas le cas de stances par exemple. Et finalement, dans bien des cas, on a le choix dans les rimes pour exprimer une même sensation ou une sensation proche.

    Sur l’ensemble des commentaires, je rejette tout à fait la notion de rime parfaite. cela n’existe pas, sauf à s’amuser comme le fit un de nos poètes (mais j’ai un trou de mémoire) à faire rimer deux vers entiers en homonymie.
    Il me vient d’ailleurs à l’esprit une chanson populaire dont je ne recommande pas l’étude pour le « bonne langue » et que tout le monde connaît je crois :
    « Tes états d’âme Eric
    Sont comme les états d’Amérique »
    Notera t-on une rime plus que parfaite sur autant de syllabes ? (outre le fait que masculin et féminin ne riment pas, mais ici, c’est vraiment un détail)

    Aussi je ne vous pas d’autre catégorie que la rime riche dont Isabelle donne une définition claire et la rime suffisante qui permet aussi dans un poème des alternances qui provoquent des balancements sonores heureux.
    Quant au problème de la phonétique, il est certain que la rime ressort essentiellement de cette catégorie, et que ce serait un non sens d’y ajouter des contraintes orthographiques. Mais l’exemple donné par Isabelle avec « ami » et infamie » peut effectivement poser question au niveau de cette conception purement phonétique…Quoique, en phonétique, le i de ami et le ie de infamie ne sont pas équivalents ! Nous avons dans un cas un i « sec » et dans l’autre un i un peu « mouillé ». Encore ces fameux « e muets ! » décidément, ils ne nous ficheront pas la paix. Vive l’Italien !
    Pour faire simple et concis, les définitions d’Isabelle me paraissent de nature à éclairer les auteurs, et pouvoir faire l’objet, à partir de la question pertinente de Nicole, d’une nouvelle entrée dans « les règles de l’Art ».
    Qu’en penses-tu Isabelle ? Peux-tu le faire, ce qui me paraît naturel dans la mesure où tu commentes, ou préfères-tu en laisser le soin à un tiers pour éviter de te charger un peu plus ?

  • Oui Gérard, je veux bien le faire. La semaine prochaine.

  • Du grand art, car il fallait quand même les trouver, et une appréciable touche d’autodérision !

  • Marie France Genèvre

    Ca me fait aussi penser à Raymond Queneau …j’adore

  • cher enchère
    chair en chaire
    A mon sens rien ne s’y oppose, la rime est riche et ce que tu appelles la résonance en écho ne nuit pas à la rime, sauf qu’il faut faire attention à la sonorité du vers…. Dans l’exemple choisi, le son « che » n’est pas des plus plaisant…. l’allitération ne doit pas être due au hasard…. Elle doit être voulue et produire l’effet sonore escompté, recherché par l’auteur….

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  • Certes, Nicole, on peut..Il n’y a pas « faute ». Mais in fine, la véritable question n’est pas dans le recherche de la rime la plus riche possible, mais bien dans les assemblages et les alternances qui vont donner le ton de la musique et caractériser certains types d’harmonie.
    Personnellement, au niveau de l’écoute, je ne trouve pas que « cher enchère », ou que « chair en chaire » soient particulièrement heureux, sauf à se donner un mode d’expression humoristique.

    D’une façon plus générale, des mots aux terminaisons ou sonorités identiques ne doivent pas se succéder, sauf pour obtenir des effets spéciaux, comme le fameux « mais quels sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ». Je l’ai aussi personnellement utilisé autrefois dans un poème intitulé Heimweh avec les vers suivant « Quel secret menaçant somnolait en ces lieux »

    A mon avis,à manipuler avec précaution, avec toujours en point de mire, l’harmonie générale du texte au regard de son sujet.

  • La question est sans doute idiote, mais je suppose que vous faites rimer « cher » avec « chair » et « enchère » avec « en chaire » ?
    Pour compléter le propos très juste de Claudio, j’ajouterai qu’il faut aussi veiller, autant que faire se peut, à ce qu’il n’y ait pas écho de la rime à l’hémistiche du vers suivant. Et c’est un défaut que même les plus chevronnés ont du mal à éviter et qui malheureusement émaille encore certains de mes poèmes.
    A tous ceux qui jugeraient toutes nos réflexions un peu rébarbatives et, je l’ai déjà entendu, anti poétiques, j’aimerais dire que la versification, en tout cas pour moi, relève aussi, un peu, du jeu cérébral : parvenir à transcrire des émotions et à les faire partager au lecteur dans un cadre de contraintes parfois drastiques. Mais le résultat, quand il est réussi, est assez jouissif.

  • Dans le propos de Nicole, c’est bien comme ça que je l’ai compris « enchère avec en chaire », d’où mon propos sur le style.
    Quelle pourrait être ta réponse à Marie-France ?
    J’avais également en tête en lisant cela le problème de la redondance d’une rime à l’hémistiche et en fin de vers, mais ne crois-tu pas qu’il faudrait réserver ce problème d’écho de la rime à une rubrique sur l’alexandrin, avec la ou plutôt les différences qui existent entre l’alexandrin et le dodécasyllabe ?
    J’ajoute que si les réflexions peuvent paraître un peu rébarbatives, (mais une réflexion ça n’est pas une promenade en terrain connu, ou c’est du bavardage), en revanche, les exemples peuvent parler d’une façon plus directe et c’est une voie sur laquelle on a probablement à travailler, notamment avec des auteurs qui nous sont familiers à notre époque parce que nous entendons la musique de leurs vers sur le support de la musique tout court. Je pense à Brel bien sûr, à Brassens, mais aussi à Goldman et à d’autres…
    C’est agréable à écouter, mais, derrière, il y a beaucoup de travail. Pourquoi y échapperions nous ? Cela pour rebondir un peu sur ce que tu appelles le « jeu cérébral », et qui, pour d’autres, en recouvrant les mêmes réalités, va simplement s’appeler « travail », ou « recherche », ou  » « détermination à progresser », enfin quelque chose de bien vivant. Je crois que c’est aussi simple car « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire » et on est peu heureux.

  • Quelle pourrait être ta réponse à Marie-France ?
    Je ne comprends pas ta question, Gérard…

    Alexandrin ou vers dodécasyllabique, trimètre ou tétramètre ? Laissons-nous un peu de temps…

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