Les mains de l’apprentie

J’avais à l’époque une jeune apprentie vraiment douée pour la coiffure, si bien que je lui confiai très vite les coupes de cheveux d’enfants. Très douce et patiente elle faisait merveille avec les petits. 

   Ce jour là, une petite fille d’environ cinq ans nous avait été amenée par une personne de passage. Une enfant à la frimousse espiègle qui se laissa laver les cheveux sans problème et qui fut installée à la tablette du milieu, c’est-à-dire au centre du salon, les autres tablettes étant toutes occupées par des clientes. 

 

   Notre apprentie commença à effectuer sa coupe, parlant gentiment avec la petite, pour mieux l’apprivoiser, ce que l’on enseigne en général dans la coiffure. 

L’enfant lui répondait gaiement quand soudain, comme la coupe avançant , on arrivait vers le visage elle dit montrant sa tempe : 

— T’as vu ? J’ai un trou, là !  

Puis, montrant l’autre tempe : 

—Et j’en ai un autre là aussi !  La balle, elle est entrée par là et elle est ressortie par là ! 

Et soudain, s’effondrant en sanglots : 

—-Et pis, mon papa ! il est mort ! 

Silence terrible dans le salon !…On ne savait plus comment calmer la petite et les mains de mon apprentie tremblaient tellement que j’ai dû, après avoir donné des bonbons à l’enfant et attendu un moment qu’elle se calme, terminer le travail. 

 

 Après le départ de cette infortunée fillette une cliente nous conta qu’elle avait lu, plusieurs années auparavant un fait dramatique dans la presse. 

Un père de famille avait, dans un acte désespéré, tenté de tuer son enfant puis s’était donné  la mort. 

5 Réponses à “Les mains de l’apprentie”


  • Terrible histoire ! Dans un roman, on dirait que l’auteur en fait trop. Et bel exemple de l’incroyable capacité des enfants à la gaieté malgré le drame, jusqu’à ce que celui-ci les rattrape… Alors ils pleurent avec la même énergie qu’ils ont mis à rire. Ainsi va la vie, la vraie vie, finalement si peu différente des romans.

  • Marie France Genèvre

    Et ils ne voient pas les choses comme nous, c’est l’insouciance
    Une perception insouciante
    Ils ressentent le drame et le tragique sans le réaliser…
    quelle anecdote…
    et quelle situation, digne d’un polar

  • Et je trouve les petits d’aujourd’hui bien moins insouciants que nous ne l’étions. J’ai l’exemple d’un gamin de six ans qui vient d’entrer en CP. Il a une pression énorme sur les épaules car on agite djéà le spectre du chômage et de l’échec professionnel devant son nez s’il ne travaille pas bien à l’école ! Dommage pour eux, car une fois l’enfance passée, les moments de complète insouciance sont bien rares !…

  • Marie France Genèvre

    Oui Zaz, et aussi car ils voient plus d’images (jeux vidéo, films…)que nous
    La censure est aujourd’hui insuffisante à mon sens et on oublie le pouvoir de l’image sur des esprits juvéniles (confondre fiction et réalité) (ex: le labyrinthe de Pan – Interdit aux moins de 12 ans. A 12 ans, on ne peut pas voir un film si dur, je me suis fait avoir à la Médiathèque)

    C’est grave et triste pour eux oui, on leur fait perdre les meilleurs moments de la vie en les faisant grandir trop vite
    on oublie de les protéger pour des raisons commerciales

    Je prends des raccourcis mais c’est un débat.

    Pour revenir à cette perception différente (cf l’anecdote de Joëlle) qu’ils ont et que l’on ne respecte plus.

  • Tiens: il m’en viens une, qui a un rapport avec le questionnement de Jessica sur un autre commentatire!

    C’était lors de la publication de mon premier recueil. Le journal m’avait consacré un article et une cliente m’avait dit:

    –Vous écrivez des poèmes ? Bravo! vous auriez pu être prof!

    Cela m’avait fait plaisir et je l’avais répété en famille.

    Mon oncle m’avait alors répondu:

    –ça gagne combien, un prof ?…

    Et, l’ignorant, je n’avais rien répondu.

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