J’avais à l’époque une jeune apprentie vraiment douée pour la coiffure, si bien que je lui confiai très vite les coupes de cheveux d’enfants. Très douce et patiente elle faisait merveille avec les petits.
Ce jour là, une petite fille d’environ cinq ans nous avait été amenée par une personne de passage. Une enfant à la frimousse espiègle qui se laissa laver les cheveux sans problème et qui fut installée à la tablette du milieu, c’est-à-dire au centre du salon, les autres tablettes étant toutes occupées par des clientes.
Notre apprentie commença à effectuer sa coupe, parlant gentiment avec la petite, pour mieux l’apprivoiser, ce que l’on enseigne en général dans la coiffure.
L’enfant lui répondait gaiement quand soudain, comme la coupe avançant , on arrivait vers le visage elle dit montrant sa tempe :
— T’as vu ? J’ai un trou, là !
Puis, montrant l’autre tempe :
—Et j’en ai un autre là aussi ! La balle, elle est entrée par là et elle est ressortie par là !
Et soudain, s’effondrant en sanglots :
—-Et pis, mon papa ! il est mort !
Silence terrible dans le salon !…On ne savait plus comment calmer la petite et les mains de mon apprentie tremblaient tellement que j’ai dû, après avoir donné des bonbons à l’enfant et attendu un moment qu’elle se calme, terminer le travail.
Après le départ de cette infortunée fillette une cliente nous conta qu’elle avait lu, plusieurs années auparavant un fait dramatique dans la presse.
Un père de famille avait, dans un acte désespéré, tenté de tuer son enfant puis s’était donné la mort.