Je rentrai hier soir à 19 heures, à la barre de mon fidèle 4×4, vers mon humble demeure campagnarde…. Ayant quitté le bitume à Dieue-sur-Meuse, je traversai la plaine surplombant cette grosse bourgade, chef-lieu de canton, avant d’entrer dans le bois, raccourci par la côte de la « Voie des Loups », 370 mètres d’altitude, me faisant économiser pas moins de 5 kilomètres de macadam pour rejoindre Rupt-en-Woëvre, ce village où je réside, sis au cœur de la forêt au pied des Côtes de Meuse….
Je m’arrêtai à l’orée du bois, profitant des derniers mètres de jouissance du réseau de téléphonie mobile, pour appeler, comme à l’habitude, ma Pénélope de compagne restée à Verdun, avant de m’enfoncer au cœur de la Sibérie Meusienne où toute communication par cellulaire s’avère impossible….
Tandis que je conversai, mes phares éclairant le chemin rural s’enfonçant dans le bois, je distinguai tout au loin, tout au loin, dans le faible halo résiduel de lumière, comme une ombre grise mouvante….
Comme une ombre grise mouvante se dirigeant lentement vers moi et se déplaçant sur le chemin blanc, allant de gauche à droite, de droite à gauche…. L’ombre se rapproche, se rapproche…. Je distingue enfin « l’Être » qui s’avance….
Mais non, ce n’est pas un extra terrestre !….C’est bien plus rare et bien plus beau…. Un gros cochon !…. Un énorme bête noire !…. Un sanglier solitaire, à la démarche tranquille, le groin fouillant le sol venant droit sur moi….
Il s’approche encore…. toujours le groin au sol, il ne regarde pas devant lui…. J’ai le vent debout, il ne peut pas me sentir mais il pourrait au moins entendre le moteur de ma voiture….Bon, ils sont tellement habitués au bruit des tracteurs…. Il est à 50 mètres…. 40 mètres…. il dandine de la tête… 30 mètres…. 20 mètres…. Bon dieu, mais il va rentrer dans l’auto !…. 10 mètres !!!….
Enfin, il lève la tête et s’arrête net !…. Étonné, surpris, il vient de découvrir la voiture, il a les pleins phares en pleine gueule….
Il me regarde, il a les écoutes bien dressées dirigées ver moi…. j’entr’aperçois l’éclat de l’ivoire blanc de ses impressionnantes défenses…. Il est en pleine lumière…. Il est magnifique !….
Je suis toujours au téléphone et je relate la rencontre en temps réel à Évelyne, mon amie, qui n’en croit pas ses oreilles….
Cela dure au moins trente secondes…. Je suis hilare…. Il se demande ce que je fiche là…. Et moi non plus….
Soudain, crochet à 45 ° sur la gauche, sans se presser, il disparaît dans le bois pour suivre la lisière à couvert….
Adieu Solitaire….