Je vais où va le vent, dans le ciel qui s’effeuille
Retrouver les amours et les soleils enfouis.
Que ne viendrais-tu pas ? Il suffit que tu veuilles
Donner la main au vent et chanter avec lui.
Et qu’importe le chant de ton âme légère,
Puisque joie ou chagrin le vent l’emportera.
Que ton chant soit d’espoir ou qu’il soit de misère,
Il enflera ta voix de la voix qu’il aura.
A son souffle divin s’ouvrent toutes les portes,
Celle des coeurs jaloux et celle des tombeaux.
Il sait ressusciter comme les feuilles mortes
Nos amours endormies et leurs sombres flambeaux.
Viens ! Nous fuirons la vie, oui, la vie est méchante !
Les pleurs ne seront plus que rosée en nos mains,
Viens pauvre enfant perdue et craintive que hante
La rose de clarté, promise à nos chemins.
Tu la verras bientôt fleurir au vent du rêve,
S’épanouir pour toi comme une aube qui luit,
Quand le vent attristé de nos pleurs enlève
Le masque du néant qui endeuillait la nuit.
De ses mains de nuage alors il éparpille
Ces pétales ardents jusqu’au fond des cieux
C’est de ce souffle-là que les astres scintillent,
Et tu vas l’enchanter de leurs chants silencieux.
Viens rêver comme moi, douce soeur, âme tendre,
Le ciel entier t’appelle où déjà je me perds,
Donne la main au vent, et le vent va t’apprendre
Qu’il suffit d’un baiser pour combler l’univers.
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12 Réponses à “Que ne viendrais-tu pas ?”
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« il suffit d’un baiser pour combler l’univers »
oui et l’homme aussi , et , l’enfant qui est en lui ..
très jolis mots
katy
Ouaouh de belles images
j’espère que vous avez choisi le « vent » dans le dernier sondage.
Cette poésie a un charme certain et sans manquer de fond sur une approche originale de nos apparentes incohérences internes qui se résolvent dans un regard universel, bien frappé dans le dernier vers.
Elle pourrait atteindre sa propre excellence si quelques vers avaient été remis sur le métier, et cela me donne une fois de plus l’occasion de nous interpeller sur les difficultés que nous rencontrons tous pour « dompter » les élisions.
Rosaria, je ne me permettrais pas quelque correction que ce soit, car c’est toi seule qui porte tes sensations et leur expression. Mais nous pouvons tous tirer profit de l’observation sur les formes.
Il y a les règles, et elles doivent être respectées si on choisit d’entrer dans la forme qui les justifie, mais il y a aussi l’esprit de la règle, et il passe avant la règle.
je prends un exemple dans l’un de mes textes (Vagabondage, qui figure dans les archives du blog).
J’avais écrit dans un premiet jet ces vers:
« Va, ils respecteront ta misère bien née,
Eux, riches à millions
Des légendes du fer qui chantent la contrée
Des moines forgerons.
Et je butais sur le mot « millions » qui, en prosodie se prononce MI-LI-ON, donc trois pieds. Et je l’ai finalement remplacé par ce vers, qui réglait le problème :
« Eux, riches à foison »
Mais le problème n’est réglé qu’en apparence, car le mot million fait partie de ces mots qui sont difficiles à faire entrer dans la règle, et il n’est pas le seul !
Si j’écris par exemple :
3les visages marqués de ces millions d’hommes », pas de problème, la musique est correcte en respectant les trois pieds de millions.
En revanche, si je place le même mot en fin de vers
« regardez les passer ! Ils sont des millions ! »
J’ai respecté à la lettre la prosodie, mais le son final devient disgracieux, et ça sent un peu l’artifice par rapport au port du mot.
En revanche, si je décide de provoquer une élision avec million sur deux pied, en revenant au vers que j’avais modifié dans mon textes: « Eux, riches à millions » le mot a plus de poids et l’harmonie générale ne s’en trouve pas altérée. Finalement, n’aurais-je pas mieux fait de laisser millions au lieu de le remplacer par foison pour respecter la règle au pied de la lettre ?
Et il est des mots qui deviennent parfois franchement disgracieux si l’on en prononce systématiquement toutes les syllabes alors qu’une élision bien sentie donnerait un résultat plus conforme à l’esprit de la règle qui permet une structure musicale harmonieuse.
Pourrions nous bâtir, à partir de nos propres difficultés, une sorte de petit lexique en différents domaines, dont celui de l’élision qui revient sans cesse, qui pourrait constituer une aide en prosodie, une aide un peu vivante car les traités de prosodie sont souvent difficiles d’accès, voire rébarbatifs.
Rosaria s’est heurtée à des difficultés du même type, ce qui n’enlève rien à la qualité globale du texte, mais…elle peut aller plus loin !
En vers 2 à propos du mot enfouis, elle a choisi l’élision. Franchement, dans ce cas, elle ne me dérange pas. L’effet sonore est différent, mais pourquoi pas, justement, si cette différence est conforme au fond.
En revanche, au vers 12 « Nos amours endormies, et leurs sombres flambeaux, l’élision n’est pas possible, et l’une des solutions pourrait consister à mettre amour au masculin. Mais si Rosaria a choisi de le mettre au féminin, ça n’est pas neutre. Il y a donc un petit travail à faire.
En revanche, au vers 19, le choix du mot pleurs (« quand le vent attristé de nos pleurs enlève »), qui a déjà été employé quelques vers plus haut, introduit une rupture de rythme. Le mot larmes par exemple aurait permis de rétablir l’équilibre.
Mais pour revenir au sujet de l’élision, son illustration est ici rendue dans les vers 22 et 24 où le mot cieux, prononcé sans élision, soit CI-EUX, va rimer en rime alternée avec silencieux où Rosaria choisit cette fois l’élision soit SI-LEN-CIEUX et non SI-LEN-CI-EUX. Et finalement, ici, ça passe bien car le mot silencieux en fin de vers supporte assez souvent l’élision.
Voilà, pardonnez moi ce long développement peut-être un peu technique, mais ce qui m’intéresse davantage c’est ce que j’appellerais « l’intelligence de fond » de la poésie dans laquelle on apprend à respecter les règles sans en devenir le prisonnier à perpétuité.
Alors, Rosaria, il n’y a vraiment que du détail à travailler, mais je souhaite vraiment que nous puissions, dans nos échanges, certainement pas nous donner des leçons, mais réfléchir ensemble sur les difficultés que nous rencontrons les uns et les autres pour avancer dans l’art et les règles de l’art.
«
Bravo, Gérard, pour ces longues explications sensées, délicates et formatrices. Il y a juste un truc qui me chiffonne : quand j’utilise le mot « cieux », c’est toujours en une seule syllabe et je ne pensais pas qu’il soit possible de faire la diérèse.
Et pourtant si, Isabelle, j’ai rencontré cette diérèse à plusieurs reprises ; je vais rechercher. Mais ta question renvoie tout à fait à propos au problème des élisions. Pourquoi silencieux en 4 syllabes, ou on fait bien la diérèse sur CIEUX, et pas sur cieux ?
On pourrait penser que l’on disserte sur le sexe des anges…mais en fait, c’est là une des richesses de la poésie, un subtil équilibre où les questions demeurent plus nombreuses que les réponses, et nous oblige à « travailler » pour trouver la réponse la plus adaptée, « sans filets » cette fois.
Alors, peut être auras-tu l’occasion un jour de faire uen diérèse heureuse avec cieux sans être blâmée par l’ »Académie » !
Merci de ta réaction et de ta question.
Je ne sais pas dire pourquoi, mais dans mes ouvrages de référence, il est dit que cieux compte pour une seule syllabe, tout comme dieu, lieu-tenant, mi-lieu, mieux, pieu, é-pieu, es-sieu, vieux, yeux.
Si des poètes ont fait la diérèse avec cieux, c’est sans doute une licence ; Victor Hugo a utilisé le lion tantôt en une seule syllabe tantôt en deux…
J’ai écrit une chanson où, dans le refrain, je fais rimer, en musique, cieux avec silencieux….
Ensuite je décline les couplets avec cette rime masculine en « ieu » soit : Cieux, silencieux, précieux, yeux, gracieux, délicieux, messieurs, adieu, insidieux,vieux, envieux, toutes à leur place dans le contexte de la chanson….
Pas un seul instant ne m’est venu à l’esprit de découper les syllabes silenci-eux ou préci-eux…. Alors que si l’on se réfère à ce fameux tableau des diérèses pour le compte des syllabes, voilà ce que ça donne :
Cieux 1 syllabe
Silencieux. 2 syllabes
Précieux 2 syllabes
Yeux. 1 syllabe
Gracieux 2 syllabes
Délicieux. 2 syllabes
Messieurs. 1 syllabe
Adieu 1 syllabe
Insidieux. 1 syllabe
Vieux 1 syllabe
Envieux 2 syllabes
Mais avez-vous déjà entendu quelqu’un vous dire : « cet objet est préci-eux…. » ou « ce met est délici-eux » ?….
Pour toutes ces diphtongues je n’ai eu pour règle de compter qu’une syllabe, c’est ce qui me semble le plus juste et le plus cohérent avec le son et la musique de ces mots, de ces phrases, de mes vers…. Et je n’ai pas l’impression de trahir la poésie « classique » en écrivant de la sorte…
J’ai bien peur que ce tableau des diérèses ne soit un héritage « ancien » et que le transgresser ne devienne une obligation…. Rappelons nous que la poésie était, dans les temps anciens, le véhicule oral de la culture, 90% de la population ne sachant ni lire ni écrire… Donc la prosodie, caractérisée notamment par la rime, était à la base un procédé mnémonique pour retenir les textes qui véhiculaient ainsi de bouche à oreille… Alors quand on vous assène que pour la diphtongue « ieu » : « les noms ou les adjectifs qui prennent un x au singulier ou sont suivis d’une consonne compte deux syllabes » c’est bien un héritage direct, parce que à l’époque, ces consonnes et ce « x » étaient sonores…. Comme ils le sont encore d’ailleurs dans d’autres langues occidentales…. Reprenez-moi si je me trompe….
Je mettrais dans le même sac cette règle qui interdit de faire rimer un pluriel avec un singulier…. Elle n’a de signification que si le « s » est sonore, ce qui n’est plus le cas de nos jours, donc la règle est désuète….
En conclusion, ne pas suivre les diérèses établies dans ce fameux tableau, ou ne pas respecter les rimes singulier pluriel n’est pas pour moi trahir la prosodie classique, juste l’adapter sans pour cela se classer dans les « néo-classiques »…. Il y a belle lurette que nous n’utilisons plus le français de François Villon….
Si quelqu’un a d’autres explications, je suis prêt à écouter attentivement et au besoin revoir mon point de vue….
Merci Claudio pour cette participation qui peut clore le sujet d’une façon magistrale, car tu donnes en même temps les points de repères que l’on pourrait qualifier d’historiques, et tu crées la nécessaire (pour moi en tous cas) ouverture vers ce que je nomme l’intelligence spécifique de la poésie où l’esprit de la règle passe avant la règle. Demeurona vivants !
Oui, les réalités phonétiques le la langue ont évolué, et ce qui justifiait hier l’assentiment général sur une pratique n’a plus de raison d’être, ce qui ne signifie pas qu’il soit interdit d’en faire usage! Mais on entre alors dans des effets marginaux que tout poète a non seulement la liberté, mais aussi le « devoir » d’employer lorsque la forme et le fond peuvent s’y embrasser avec bonheur.
En résumé, je contresigne tout à fait ton analyse.
Il n’empêche, et cela illustre mon propos sur la liberté du poète, que si je n’ai jamais employé le mot silencieux en quatre syllabes, j’aurais la tentation de le faire pour marquer la longueur et la profondeur d’un silence, en prolongement justement le mot par l’effet d’une diérèse « non répertoriée ». mais je le répète, il s’agit alors d’effets marginaux, dont l’importance n’est toutefois pas à sous estimer. on ouvre alors un autre sujet, et nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir à propos de futurs textes.
Sur le sujet des élisions et diérèses, nous sommes trois à nous être exprimés. Il n’y a pas foule, certes, mais il n’y a de la matière et c’est un début qui n’est pas sans intérêt.
Pour l’instant, je vais essayer de repérer tout ce qui touche aux commentaires de fond pour les intégrer dans un répertoire particulier et, peut-être, si des adhérents sont intéressés par ce travail, pouvoir s’en servir comme base en vue de la réalisation d’un petit guide de prosodie au spectre élargi (qui n’élimine d’emblée aucun genre)et d’un abord le plus simple et vivant possible, construit pour une grande part à partir d’exemples tirés du blog. Il serait bien entendu diffusé sur le blog
Qu’en penses-tu, qu’en pensez-vous ?
Gérard, tout ce qui peut aider les adhérents curieux de la prosodie à progresser dans leur quête est bien sûr bienvenu !
J’attire toutefois l’attention de tous sur un traité de prosodie en deux fichiers pdf publiés en bas de la page intitulé « infos » dans les onglets en haut du blog.
J’en poassède également un, en format .pdf, que je peux envoyer aux personnes que cela intéresse. Ceux à qui je l’ai transféré m’ont dit qu’il était un peu ardu, ce qui est vrai, mais cela peut aider à lancer des sujets d’étude et éclaircir certains points en parallèle avec les exemples du blog et tes explications.
Isabelle, là-dessus, je ne vois absolument rien à ajouter. Les traités de prosodie sont nombreux, plus ou moins accessibles, on peut doit les recommander en fonction du niveau et de l’intérêt des personnes. Mon propos n’est pas à ce niveau et je me suis certainement mal ou incomplètement exprimé
Je parle bien du blog et des interactions sur le blog, sans goût ni compétence pour m’engager dans une telle voie de composition « ex cathedra ».
Et si ces traités sont indispensables comme les tables de multiplication pour les futurs « matheux » qui ne les inventeront pas, il y a des complémentarités à développer.
Albert Einstein n’a pas poursuivi d’études de très haut niveau en physique mais il a reçu bonnes bases. Mais c’est son séjour au bureau des brevets à Berne, où il a vu passer une foule de dépôts d’inventions, qui a très probablement provoqué le déclic de son génie.
Si d’un traité de prosodie, on attend des réponses sur les formes, on en aura qui feront grand profit. Mais pour les élans dans une matière plus vivante, c’est moins évident.
Car un traité est toujours figé à un instant précis et ne peut se départir d’une logique cérébrale
Pour moi, il manque un genre que nous pourrions peut-être initier.
Il existe a un film que je regarde périodiquement, car le mystère qu’il véhicule n’a toujours pas dit son dernier mot, c’est « le nom de la Rose » dont j’ai lu le livre auparavant, tout comme le pendule de Foucault du même auteur qui est à lire avec quelque précautions pour ne pas tomber dans le monde parallèle et attractif que l’auteur décrit si bien.
J’aurais eu envie de prolonger le petit dialogue et surtout le silence de la fin du roman par ces mots du maître à son novice « Va, ne t’accroche jamais à un maître, et si, dans ce que je t’ai enseigné, tu rencontres quelque chose qui ne se vérifie pas, alors, dis le moi, dis moi pourquoi, et c’est toi qui sera mon maître »
Pour en revenir au blog, et dans cet esprit, il s’agit simplement d’insuffler de la vie dans nos questionnements et aspirations, et de faire en sorte que la poésie demeure une réalité vivante et porteuse dans le siècle où elle cherche à s’exprimer. Donc il s’agit bien d’une recherche complémentaire et certainement pas d’un projet de substitution à quelque traité de prosodie que ce soit.
Cela te paraît-il clair ? Ou à en reparler.
Oui, tout à fait clair. Mon propos était juste une info pour rappeler qu’une aide à la prosodie existe sur le blog, ce que ne savent peut-être pas ou plus les gens.
Maître Gérard, c’est un grand plaisir que de te lire….
Rien à ajouter, d’accord sur tout….