Un cheval luisant léger trottait,
Traînant un sulky de long en large.
Un chien noir, comme un lévrier,
S’était lancé derrière des sternes affolées.
Quelques chars à voile de l’École du vent
Progressaient à grand peine si lentement.
Et puis, là-bas, soudain, dans les dunes,
Telle une vierge apparue,
Une belle mariée en robe d’ivoire
Posait, irréelle et docile,
Pour un photographe virevoltant.
À deux pas de l’épave d’un blockhaus,
Un vétéran texan au parler malsonnant
Refaisait pour six touristes
Le débarquement de juin quarante quatre,
Dessinant la bataille en pointillé,
Du bout de sa canne, sur le sable mouillé.
Je marchais presque seul sur Omaha Beach
Dans la lumière vibrante et les miroirs
D’un ciel incessamment en mouvement.
Sur le sommet du talus d’intense verdure
Flottait la bannière américaine
Par-dessus le cimetière militaire
Où s’alignent impeccablement et à jamais
Des milliers de croix blanches.
Les ombres de ces lieux hantent encore la plage :
Des fantômes kaki d’à peine vingt ans
Qui étaient venus, pourtant, mourir ici.