Un jour, un noir corbeau,
La jalousie en tête
Et la plume en lambeaux,
Voyant un ver en fête
Et poète à son heure
Se tortiller, d’un trait,
De rire et de bonheur,
Sur son fruit qui pendait,
Tout rouge de colère
D’être encore là, en l’air,
Alors que, sur la terre,
La plupart de ses frères
Déposaient leurs noyaux
En espérant qu’un jour
Un cerisier nouveau
Y pousse avec amour,
Croassa sa rengaine,
Toute éraillée de bruits
Survenant d’une haine
Qu’il possédait en lui…
Puis fila sur le fruit
Qu’il goba d’un coup sec,
Sa queue pendant sans lui,
Et tout le ver avec…
Mais le ver, solitaire
Comme trop de poètes,
Ne se laissa pas faire
Et affama la bête !
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2 Réponses à “Le ver et le corbeau”
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Enthousiasmée par l’originalité de ce texte j’ai cependant dû relire car en lisant promptement j’ai buté en abordant « Tout rouge de colère » car j’attendais de trouver la suite par rapport au début du poème,
« Un jour, un noir corbeau,
La jalousie en tête
Et la plume en lambeaux, »
car de la « jalousie » à « Tout rouge de colère » mon esprit a fait un lien malgré moi et provoqué un accroc par perte du sens et donc a entraîné un arrêt.
J’ai donc relu en plaçant autrement les ponctuations et vraiment quel régal ! Un petit bijou.
Une seule petite remarque, faut-il bien lire :
« Sa queue pendant sans lui, » ?
Oui, c’est bien « Sa queue pendant sans lui, »
Il s’agit de la queue de la cerise, le « lui » se rapportant au mot « fruit ». Il ne s’agit donc pas de la queue du corbeau qui pendrait « sous » lui…
Voilà l’intérêt de ce genre d’écriture jouant beaucoup avec les mots, la ponctuation et des appositions intercalées… se rapportant, dans le cas présent, ici ou là au corbeau, au ver ou à la cerise…
En lisant un peu vite, le lecteur peut effectivement croire, en l’occurence, par exemple que ce serait le corbeau qui se prend pour un poète, rouge de colère de ne pas savoir faire de bons vers… en restant en l’air pendant que ses frères corbeaux déposent avec leurs fientes plein de noyaux de cerises avalées auparavant…
C’est bien la cerise qui est rouge de colère et non le ver ni le corbeau… quoique, à la fin, ils pourraient bien l’être l’un et l’autre…
Comme quoi, la colère n’est jamais bonne conseillère… c’est peut-être la morale cachée de ma fable…
En tout cas, merci Isabelle Rose pour ce commentaire judicieux…