« Vous serez fusillé demain, au petit jour »
M’a dit en allemand l’officier du prétoire.
La nuit tombe déjà, le sursis sera court ;
Beaucoup, beaucoup trop court tant me semble l’histoire
Irréelle et brumeuse en ces instants amers ;
Et j’ai pour seuls témoins et pour seul auditoire
Ma paillasse sans nom et la lune à travers
Les sinistres barreaux de la lucarne sale.
Mon Dieu, serait-ce ici l’avant goût des enfers ?
Devant mes yeux fermés, ma jeunesse s’étale ;
Les courses dans les bois et la sieste au soleil …
La neige sur les toits, la quiétude hivernale ;
Des images s’en vont, au bout de mon sommeil.
Quoi ? J’étais endormi ! Cela est-il possible ?
Les heures ont passé, bien triste est mon réveil.
Non, pas de bruits encor dans la prison horrible,
Le rêve m’appartient ! Ma femme, mes parents,
Les petits souriants, le temps irréversible,
Les soldats au cœur sec, les adieux déchirants.
Pas cela ! Je ne veux que des images roses
Pour bercer doucement mes ultimes instants.
Une porte a claqué, là-bas, j’entends des choses,
Des voix et puis des pas, ténus comme des fils.
Il est trop tôt, voyons, pour ces pensers moroses.
Mais devant mon cachot, pourquoi s’arrêtent-ils ?
Paul GEIGER Grand Prix des Poètes Lorrains 1991 pour son recueil intitulé : « Gratis pro Deo «