La ville où tu naquis a soigné ses attraits:
Ton regard de cent ans la reconnaîtrait-il
De ruelles en rues où tu partais, agile,
Au printemps de ta vie, entre fleuve et Palais?
Suis-moi dans ta cité au siècle finissant,
Et marchons tous les deux pour enjamber le temps:
Voici les lieux, poète, où ta muse enfantine
Accoucha ton talent, guida ta main mutine.
Etait-ce la Jurue où vous caracoliez,
Retour par la Taison puis par la Pierre-Hardie,
Recherchant pour tes vers la musicalité
De sons nouveaux, exquis, de voix en harmonie?
Couriez-vous rue des Murs, en surplomb de la Seille,
A travers Metz, heureux, au bord de la Moselle,
Pour rentrer à mi-aube, les yeux lourds de sommeil,
Enivrés par la nuit, l’écho, la ritournelle ?
Rassure-toi! Les vieux veilleurs sont aux aguets,
Bien campés sur leur roc: clochers et cathédrale
Restent précieux jalons, de Saint Quentin au Val
Pour l’ami de passage ou l’hôte fatigué.
Pour eux toujours l’éclat des vieilles pierres blondes
Nimbe les soirs d’été dans un discret halo;
Illuminées la nuit, elles embrasent l’eau
Et pour mieux vous happer, noient leur feu dans les ondes.
Tu te souviens encor’ du sabot des chevaux
Portant les officiers en habit de parade,
Frôlant la robe enflée des magistrats bien trop
Pressés pour regarder passer la cavalcade.
Mais tu n’as pas connu les pavés sous la botte
Défilant place d’Arme, en feldgrau insolent,
Verdun, la barbarie, ou l’horreur des déments,
L’engrenage infernal que l’irraison emporte.
Par delà les saisons et ce temps de souffrance
Ta ville a résisté puis conquis sa noblesse,
A traversé l’Histoire aux marches de la France
Et fait fleurir ton nom en lettres d’allégresse.
Aujourd’hui les amants, au pied de l’Esplanade,
Pour accorder leur cœur à leurs émois naissants
Célèbrent tes refrains en joyeuse ballade
Et te lient à leur vie en d’éternels serments.